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jeudi 13 août 2020

Les aventures de la conscience de classe [ Fin ]

 Les aventures de la conscience de classe [Fin]

 Matériaux pour une émission (28)

Voici notre conclusion sur le choix de textes sur la conscience de classe. Ceci débouchera probablement sur une émission plus certainement sur une brochure. 


Apposer « conscience » à « classe » ne produit pas à notre avis un sens supplémentaire et acceptable à l’optique qui nous intéresse.

Tout d’abord, parce qu’elle peut réduire l’approche au niveau d’une conception utilitariste.

Les classes existent, et on ne voit pas au niveau élémentaire, quotidien, ce qui pourrait retirer toute « conscience » à n’importe quel individu se mouvant dans l'existence, même si la question du « choix » et de la « liberté » de celle-ci paraît plus épineuse. La problématique est encore plus périlleuse quand elle s’occupe d’agrégats d'individus se pensant uniques et se croyant faire « classe ».

Il ne s’agit pas de nier l’existence de la conscience ou des classes, mais d’indiquer que cette locution peut également basculer et à chaque instant dans un pur sociologisme.

Les conséquences de ce sociologisme, c’est d’en rester là, c’est-à-dire dans une approche éternelle, fixe, descriptive de l’assignation et de s’en contenter dans un rapport au monde, jusque dans les combats et ses perspectives sisyphéennes et pour le dire plus méchamment syndicales.

La conscience de classe indique telle autre chose que la littéralité de la compréhension d’une opposition ? Ne peut-elle pas par exemple, en rester simplement au niveau de la haine et du ressentiment ?

Les promoteurs basiques de la « conscience de classe » y adjoignent non sans raffinement une théorie des « niveaux » de celle-ci, c’est-à-dire une théorie hiérarchique, dont les fins sont assez systématiquement la défense partidaire, comme seule médiation capable de hisser le niveau de cette « conscience » pauvre au niveau du combat de l'infaillible Parti ou de l’organisation et au bénéfice de ceux qui prétendent prendre les places (mêmes symboliques).

Mais nos époques sont fantastiques et les obsessions dirigistes empruntent de nos jours des chemins variables et bien dissimulés comme celui de l’horizontalité autoritaire ou de la démocratie des « premiers concernés » par leurs médiatisations.

Cette nouvelle-ancienne bourgeoisie de la conscience mesure la « radicalité » de telle ou telle grève/lutte par rapport à telle autre.

Ainsi telle lutte « est allée le plus loin » alors que systématiquement elle a vite échappé aux travailleurs au profit des intérêts de racketteurs (et racketteuses) politiques rivaux et professionnels.

Les alchimistes de la conscience perdue du « peuple » ou du « prolétariat » tentent tout pour que le pouvoir ne tombe pas dans la rue ou pour qu’il s’y fracasse très lourdement pour le ramasser ensuite.

Plus l'affrontement entre le capital et le travail exclut les prétentions des directions politiques, plus l'obsession dirigiste s’affirme, quand elles ne tentent pas de le dissoudre dans des chapelets infinis « d’oppressions » à combattre.

Il est possible de le constater avec leurs « bons conseils » et leurs abondantes interjections aux prolétaires qui rendent d’ailleurs leurs discours ennuyeux et sirupeux. Rien de pire pour susciter légitimement l'apathie et le retrait.

Il ne s’agit pas pour autant ici d'idéaliser ou de « suivre » les prolétaires [1] même en mouvement.

Pourquoi ? Parce que nous sommes nous-mêmes des prolétaires. Il n’y a que des gens extérieurs qui suivent ou qui se pensent sur l’avant-scène d’un théâtre d’opérations (politicien) en ce temps totalement imaginaire.

Les aventures fétichistes de la conscience et de son roman masque la richesse pratique des relations sociales de production dans lesquelles nous sommes insérés. Elles sont de chaires et de fluides divers, violentes, plus plastiques et imprévisibles que les réductions économicistes ou même culturalistes. Elles surprennent même les bedeaux de l’économisme [2] et déroutent toujours autant les théoriciens en pyjamas de la prochaine transcroissance.

Que l’on ne nous accuse surtout pas de ne pas vouloir comprendre et d’expliquer le monde ! Mais que l’on nous permette la faveur de l’entrevoir sous d’autres prismes que celui du réifié.

Peut-être que la brochure à paraître pourrait porter comme titre Que faire de la conscience de classe ? Il nous semble déjà difficile de ne pas tomber dans certains écueils. Mais on se devra d’articuler nécessairement notre propos à une perspective, celle du communisme et de ces moyens, qui passent assurément par une révolution. Mais laquelle, serait-on tenté d’ajouter puisque ce terme est si fatigué.

S'agit-il de défendre une nouvelle synthèse (ronflante), à savoir celle de la conscience de classe révolutionnaire communiste ?

Cette interrogation peut sembler paradoxale car elle est aussi superfétatoire que complexe, non par elle-même mais parce que l’époque est aussi volatile que concentrée et totale. Elle rend donc le fait même de se dire révolutionnaire difficile, sauf à imaginer des arrières mondes d'où viendraient des codes (puritains) pour cette métempsychose libertaire.

Une compréhension purement « classiste » du réel peut donner quelques armes efficaces pour nous défendre contre l’idéologie et son ordre dominant (constructiviste, subjectivant et dissolvant) c’est-à-dire celui où il n’y a pas d'objectivité mais que des interprétations.

Mais elle ne semble plus être portée de ce souffle perdu dans le dédale de la scintillante marchandise.

Dommage pour les divulgateurs bénévoles de la conscience ou les humanitaires de la science de la plus-value.

Il est possible de penser que la meilleure des approches soit encore celle de n’avoir aucune illusion et d’en finir définitivement avec toute forme d’espérance de principe.

  

Vosstanie le 14 août 2020


Notes

[1]Voir la préface à Quand le peuple est populaire.

[2]Nous ne voyons rien de répréhensible à vouloir gagner plus tout en travaillant moins...


dimanche 9 août 2020

Vieilles lectures pour cet été (II) : "Tuta blu" de Tommaso Di Ciaula

Vieilles lectures pour cet été (II) :  
"Tuta blu" de Tommaso Di Ciaula
Dans la préface au livre de Tommaso Di Ciaula,  "Tuta blu" (bleu de travail) (1) édité en  1982 chez Actes Sud, le traducteur Jean Guichard  indique que Di Ciaula est "un personnage contradictoire qui se dessine donc peu à peu. il dit "nous: les ouvriers", expression d'une conscience de classe très aiguë et d'un sens profond de la solidarité ouvrière, mais, loin de tout ouvriérisme, il dit aussi que les ouvriers sont des cons aliénés par la voiture et le football ; il dit sa nostalgie de la campagne, sa tristesse déchirante de la voir disparaître, mais il ne prêche pas pour autant le retour à la terre. II ne prêche rien, d'ailleurs, il regrette que les ouvriers ne participent pas plus, et de façon moins simiesque, à la lutte politique, mais il explique quelques pages plus loin avec autant de conviction qu'il n'a rien à foutre de cette politique où tout le monde putasse avec n'importe qui pourvu que ça rapporte des voix". 
Grace à ce bon vieux marque page qu'on avait oublié ou parce qu'on avait envie de noter quelques lignes on rapporte ici un passage sur les "prolétarisés" contre les "privilèges bourgeois".
Extrait

   Spécialistes du mouvement ouvrier, partis de gauche, tonnes de livres sur le mouvement ouvrier qui finalement sont de l'ostrogoth incompréhensible précisément pour les ouvriers. Conférences, débats, tables rondes, etc. Les résultats ? Les résultats sont que les ouvriers sont plus dans la merde qu'avant. La vérité, c'est que tous s'en foutent de la vie réelle que mène l'ouvrier, chacun pense à ses affaires et nous sommes leurs rampes de lancement.

Il est maintenant temps de parler clair, tous doivent parler clair, il y en a assez des langages à double sens, celui qui a un langage difficile, qu'il aille se faire foutre, quel qu'il soit : député, président, docteur, avocat, spécialiste, communiste, socialiste, syndicaliste..., se méfier des langages hermétiques et bourgeois, à mort les bavardages, nous voulons des faits. Nous voulons de vrais ouvriers, ceux qui l'ont dans le cul du matin au soir directement à la production, ceux-là et seulement ceux-là peuvent parler des problèmes de la classe ouvrière, parce que celui qui n'éprouve pas la dureté de la pioche et du marteau ne pourra jamais se rendre compte des problèmes réels des travailleurs, même si on le tue.

Ils ont le droit de parler de leurs problèmes, tous, même les sans licence, les sans diplôme et autres conneries, qu'ils s'expriment tous même avec leurs gros mots, leurs erreurs, leurs horreurs, en dialecte, mais tous doivent faire entendre leur voix, surtout quand on discute de leurs problèmes. Tandis qu'aujourd'hui ce qui se produit, c'est que celui qui veut parler de ses problèmes, s'il n'est pas cultivé il n'écrit pas, il a peur, il a honte, il est intimidé, tandis que celui qui est cultivé et qui écrit bien se sent le droit d'écrire, même au nom des autres.

 

Note
 
(1) Titre en italien : Tuta blu. Ire, ricordi e sogni di un operaio del Sud.