dimanche 29 décembre 2013

Portugal le pays où la colère est couleur.


LE CLICHÉ français du « bon immigré portugais », travailleur acharné, gentil, invisible, qui ne fait jamais grève ni même ne proteste, qui dit toujours bonjour à ses maîtres, est en fin de compte plus bête que méchant, du moins lorsqu'on le compare au mythe lusitanien du « bom povo português », peuple qu'on dit soumis, résigné, respectueux de l'ordre et de l'autorité. Alors que le premier autorisait en France un racisme inversé, le second renforce au Portugal l'attaque frontale que subissent les travailleurs, organisée par la « troïka » et l'Etat portugais, au service du capital, bien entendu. 
Le premier des deux textes de la présente brochure explore l'apparente passivité des Portugais face à cette guerre d'agression menée sous couvert de la crise et dégage quelques pistes permettant d'aller au-delà de cette vision simpliste. Après un retour sur quelques aspects de la Révolution des oeillets et des années post-1974, il met en évidence des fissures qui, pour la première fois depuis la période 1974-1975, ébranlent le consensus : grèves générales à répétition (bien que touchant avant tout le secteur public), mise en cause des gauches institutionnelles, tentatives d'action autonome des travailleurs (transports, dockers...), initiatives collectives d'auto-organisation. 
Ces dernières, ouvertement anticapitalistes et autonomes par rapport aux partis et aux syndicats, sont certes
pour l'instant — très minoritaires, mais elles reflètent la grogne sociale montante. Elles surgissent non seulement dans la capitale mais aussi à Porto et dans des villes de moindre importance, et même dans des zones rurales. C'est au sein de l'une de ces initiatives auto-organisées, RDA (cf « Sur le Portugal, son histoire, son présent » p. 3), que s'est formé un collectif de jeunes radicaux, Ediçôes Antipâticas, auteur du deuxième texte. Adoptant une approche chronologique, son analyse saisit de façon pertinente et intelligente les changements produits par la crise dans la société portugaise, l'impasse des vieilles pratiques politiques, les tentatives de leur dépassement et les nouvelles questions soulevées par les antagonismes et luttes récentes. Ces deux textes partagent une vision lucide du mouvement social de ces dernières années au Portugal et de leurs limites, mais aussi des perspectives et des espérances qu'elles laissent entrevoir.

Par le Collectif les ponts tournants - 54p / 3€ .
Dans les bonnes librairies.


lundi 23 décembre 2013

Emission du 30 novembre 2013 - Radio Vosstanie (En ligne)

Emission de la Web Radio Vosstanie du 30/11.

Thèmes de l'émission en 3 parties.

En rediffusion pendant 1 mois.

1) Zones Subversives : Lutte sur la fac de Montpellier et la possibilité d'un dépassement ? Les dernières publications de Zones Subversives. [Télécharger] 

*

2) La Mouette Enragée :  La vidéosurveillance sur Boulougne / Mer. Lutte à l’usine “Calaire-chimie” et la "L'alternative" Scop - A propos du Pôle Ouvrier en Bretagne. [Télécharger]

*

3) Retour sur les "Bonnets rouges" et l'écotaxe - La Grèce et le contrôle social par la stigmatisation des "extrêmismes" - Retour sur notre post d'indymédia Paris sur Les éditions L'Echapée (Radicalité20 penseurs vraiment critiques), Michéa, la sélection de penseurs "radicaux". Des bases et des causes des incursions possibles de la Nouvelle Droite et des réacs dans les milieux libertaires (Décroissance, anti-tech, "alternative", l'EDN etc...) [Télécharger] 







mercredi 18 décembre 2013

Du Terrorisme et de L'Etat de Gianfranco SANGUINETTI

La théorie et la pratique du terrorisme 
divulguées pour la première fois


Avec une PREFACE à l'édition française. 

Grenoble 1980 

Traduit de l'italien par Jean-François Labrugère et Philippe Rouyau. 



jeudi 5 décembre 2013

Autonomie ouvrière ou confusion régionaliste ?

Ce qui est intéressant avec le Comité pour le maintien de l’emploi en Centre-Bretagne c’est que cela aurait pu être une tentative de dépassement du carcan syndical par la base, une auto-organisation ouvrière qui aurait pu aboutir à une autonomie de classe loin des débilités nationalistes séparatistes des uns ou du jacobinisme outrancier des autres. Mais en ne démarquant pas une ligne de séparation nette entre les intérêts ouvriers et les intérêts des capitalistes, les ouvriers bretons ont marqué par la même les limites d’un contenu social et donc géographique. La faute à qui ? A ces ouvriers mêmes ? On oublie de signaler que parmi ceux-ci il y a tout un panel de positions : des positions classistes oui, jusqu’à ceux qui jouent clairement les larbins de leur patron. La faute à qui alors ? Le mouvement breton trouve ses limites … dans son isolement géographique même : c’est l’ensemble du prolétariat hexagonal et plus qui aurait du faire irruption dans la lutte pour lui donner une dimension classiste réelle. Tandis qu’ailleurs les ouvriers attaquent les bureaux du Medef, assiègent les réunions d’actionnaires, la manifestation de Quimper établissait l’alliance entre les exploiteurs et les exploités. 

Ce qui importe ce n’est pas qu’il y avait 20 000 prolétaires à Quimper et seulement 500 à Carhaix, ce qui importe alors c’est la consolidation de l’autonomie ouvrière et ses possibilités de perspectives. Je ne suis certainement pas le seul à avoir participé à des coordinations/liaisons ouvrières : chacun sait comment ça se passe, mécaniquement, en tant qu’affirmation de soi pour notre classe, et qu’on y a jamais accepté la moindre ambigüité. Et il n’y a pas d’autonomie ouvrière lorsque tu laisses le patronat vampiriser les choses à son intérêt.

Au lieu de cela c’est la confusion générale qui est organisée. « Vivre et travailler au pays » sonne comme un mauvais slogan publicitaire pour s’opposer à la fuite des capitaux … étrangers. Qu’en tant que travailleur on verbalise spontanément la critique de ce capitalisme qui nous empêche de vivre où l’on veut et nous considère comme de la main d’œuvre jetable est une chose. Repris en cœur par l'agitation groupusculaire cela devient une orchestration générale de la confusion tendant à faire croire que la solution à l’exploitation capitaliste est le repli régional au pays ou il fait si bon travailler (oui, mais travailler comment ?). Soigneusement les parasites groupusculaires entretiennent la confusion, politisant une critique de l’aliénation capitaliste qui nous empêche de « vivre où l’on veut », la transformant en une apologie du « travail breton » (survivre et être exploité au pays ?) mauvais parallèle du « produisons français » des jacobins gâteux.


A Quimper le ver était dans le fruit. Et l’a bouffé tout cru. Plus besoin d’envoyer les matraqueurs policiers, le mouvement s’est fait matraqué de l’intérieur, insidieusement, car deux messages ne peuvent cohabiter car l’un des deux parle toujours mieux le langage de la bourgeoisie médiatique et se présente comme moins subversif en cherchant un bouc émissaire étranger commode (le politicien parisien, le bureaucrate européen face au bon patron breton) mais qui ne change rien au système plutôt que de relayer un discours qui dénonçait à la racine l’exploitation par l’actionnariat, local ou international. Dans sa caricature récupérable ce régionalisme social n’a fait qu’alimenter son pire produit : le jacobinisme sénile d’une partie de la gauche étatiste.

Dans cette optique, créer un pôle ouvrier est une bonne chose, mais pourquoi le dissoudre aussitôt dans un mouvement d’exploiteurs (l’appel à rejoindre la manifestation des Bonnets rouges) ? Encore une fois l’autonomie ouvrière se dissout dès qu’elle s’en remet à un tiers (des bureaucrates, un patronat) pour régler ses problèmes de classe. Il ne s’agit donc plus de critiquer une mauvaise direction d’une partie du mouvement ouvrier breton mais juste de signaler qu’il n’existe pas en tant que tel et qu’il sera toujours perdant d’une cohabitation avec d’autres forces sociales forcément antagonistes. On peut alors claironner ce que l’on veut sur un prétendu « pôle ouvrier », il ne sera rien sans autonomie, juste une mauvaise caution pour tous ceux qui, des groupuscules opportunistes au patronat local veulent s’en servir à ses propres fins. Les premiers pour « exploiter la colère » en termes de retombées d’adhésion ou autre, les seconds pour mieux façonner leur chantage à l’emploi.

Les bureaucrates syndicaux n’agissent donc pas contre une dynamique ouvrière pour la simple raison qu’elle n’existe pas encore. Croire le contraire c’est affirmer qu’une autonomie de classe s’exprime entièrement, alors qu’elle le fait aux côtés du patronat et parfois aux ordres du patronat. Si la diversion existe, elle existe des deux côtés. D’un côté il y a eu Force ouvrière de l’autre la CGT et d’autres bureaucraties syndicales. Est-ce à dire que les bons syndicats sont ceux qui sont d’un côté plutôt que de l’autre ? Que ceux qui sont avec les 20 000 de Quimper n’ont pas d’idées opportunistes derrière la tête ? Sauf à considérer une union syndicale qui décide à la base on sait bien que l’ensemble des confédérations n’a pas un fonctionnement démocratique permettant de connaître les positions de l’ensemble des travailleurs syndiqués, ou non.

Si la contre-manifestation de Carhaix a rassemblé des écolocrates et autres étatistes démagogiques il y a avait aussi des ouvriers qui avaient leurs propres perspectives. Entre la dynamique de la fausse conscience et l’isolement classiste ils ont choisi un camp plutôt que l’autre. D’une part car la gauche étatiste et les bureaucraties syndicales paniquées à l’idée de perdre leur contrôle sur la classe ouvrière bretonne ont joué la corde « classiste », quitte à se tirer une balle dans le pied, pour maintenir le contrôle sur une fraction du prolétariat (dont ils se foutent royalement le reste du temps) d’autre part parce que l’affrontement direct dans leurs boîtes avec le capital ne leur permettait pas de s’associer avec leurs exploiteurs dans un mouvement confus de diversion.

Pour les « gauchistes » la contorsion dialectique se mettait en place : il ne fallait pas laisser le prolétariat « égaré » de Quimper se laisser embrigader par le patronat et donc participer au mouvement comme un poisson dans l’eau (trouble). Que ce soient les bureaucrates, les patrons ou les « gauchistes », on retrouve toujours le même paternalisme envers les ouvriers. Tandis que les uns –les bureaucrates- qualifient les ouvriers bretons de Quimper de « nigauds » les autres s’engouffrent avec eux dans la grande kermesse médiatique au nom du sempiternel « coller aux masses », pauvres ouvriers « trompés » jusque dans la direction même de leur mouvement ? Du haut de leur avant-gardisme essoufflé certains ne voulaient donc pas laisser le prolétariat aux mains de la confusion sans comprendre en quoi un certains nombres de paramètres objectifs agissent pour configurer un mouvement avec toutes ses limites, et se vautrent alors contradictoirement dans un ouvriérisme démagogique qui n’est que le reflet de la « prolophobie » des bureaucrates d’en face, la même méfiance en une classe ouvrière qu’ils infantilisent en permanence.

On passera sur l’ironie d’organiser le départ d’un « pôle ouvrier » à partir du site du festival des Vieilles Charrues dont le patron est un briseur de grève notoire, mais il faudra bien prendre garde à ne pas confondre « manifestation » et « mouvement social ». Tandis que la première est un concentré de codes militants publicitaires (avec des enjeux qui ne regardent que la stratégie d’organisations concurrentes), le second trouve ses racines dans un mouvement profond fait d’assemblées générales, de comités d’action et de liaison, de grèves actives, etc. L’important n’est donc pas qu’il y ait une, quatre, ou dix manifestations, de « faire du chiffre », vision comptable militante aliénée, mais en quoi ces manifestations sont l’expression d’une cohérence minimale pour la classe ouvrière. La manifestation publicitaire, mécaniquement, parle le langage de la bourgeoisie médiatique là où à l’inverse nous devons reprendre le sens de la manifestation pour notre propre classe : traverser les quartiers ouvriers au lieu des centre villes, rallier des usines entre elles pour mobiliser et entraîner une dynamique. C’est sur cette base que se construira une autonomie ouvrière réelle dont la formulation des objectifs immédiats n’est pas une dualité caricaturale entre la revendication concrète et la transformation sociale mais bien l’affirmation d’intérêts de classe universels, contradictoire avec l’isolement facteur d’échec. En ce sens le caractère concret de cette lutte fera des ouvriers bretons l’amorce d’un mouvement global de contestation du capital.

Ici ou là bas, partout, travail contre capital !

Manu

jeudi 28 novembre 2013

Las Obras completas de Grandizo Munis

Nous signalons sur le site Controverses (Forum pour la Gauche Communiste Internationaliste)  Les oeuvres complètes en espagnol de Grandizo Munis *


"De acuerdo con nuestro proyecto político que tiene entre otros objetivos el difundir, leer y releer, usando el arma de la crítica, las contribuciones procedentes de las diversas corrientes de la Izquierda Comunista, ponemos a disposición de nuestros lectores el imponente trabajo de edición de las obras completas de G. Munis (4 tomos hasta la fecha) realizado por su comité de edición el cual, a través de algunos de sus miembros, colabora en nuestro forum. Señalemos, entre sus contribuciones, un texto sobre las posiciones políticas fundamentales de G. Munis publicado en Controverses / Controversias. En nuestras páginas también anunciamos la existencia de un documental sobre Munis en el que participan los miembros de dicho Comité."


Il faut aussi préciser qu'il est possible de trouver en français.


G. Munis, Oeuvres choisies, 1936-1948, tome 1
http://mondialisme.org/spip.php?rubrique139










Leçons d’une défaite, promesse de victoire - Critique et théorie de la révolution espagnole - 1930 -1939
http://www.sciencemarxiste.com/book.php?id=18&lang=fr











Parti-État, Stalinisme, RévolutionEditions Spartacus, 1975
http://atheles.org/spartacus/livres/partietat/










Voir aussi le documentaire consacré à Munis. (
La Voz de la Memoria 2011 Radikal Films )
http://www.munis.es/?page_id=711&lang=fr

Le communiste révolutionnaire espagnol Grandizo Munis (1912-1989), militant depuis les années trente du siècle dernier dans le mouvement d’opposition au stalinisme qui se réclamait de Lev Trotsky, dirigea le petit groupe révolutionnaire des bolcheviques-léninistes d’Espagne durant la Guerre civile. Emprisonné en 1938 par les staliniens et menacé de mort, réussit à s’échapper au dernier moment et à se réfugier en France et ensuite au Mexique. Pendant la guerre, il développa une réflexion politique qui l’amena à abandonner les positions du trotskisme, en particulier à l’égard de l’URSS, dont il dénonça la nature sociale de capitalisme d’État. Rentré en Europe en 1948, il s’établit en France, où il continua sa lutte pour le communisme en dirigeant le Ferment Ouvrier Révolutionnaire.

mercredi 20 novembre 2013

Encore ? De l'ontologie de Jean-Claude Michéa (National-nostalgique ?) (Suite)

Ajout du 20 Novembre 2013

Michéa n'a pas beaucoup d'intérêt pour qui s'intéresse réellement à la lutte contre le capitalisme. Nous y revenons une dernière fois car notre camarade Théo a du faire un post sur Indymedia Paris (après avoir informé les éditions L'Echapée) pour mettre en lumière l'idiotie (et c'est l'hypothèse la plus sympathique que nous souhaitons ici mettre en avant) des éditions L'Echapée qui viennent de publier un National Révolutionnaire dans une publication ou, ce dernier, est l'auteur d'une contribution sur mister Michéa. Personne ne se pose la question de la pente Michéenne qui est plus que savonneuse. Nous sommes vraiment fatigués de ces confusions dans des milieux qui nous sont proches et amis. Il faudra aussi mettre en lumière la sélection de penseurs exhumés dans le volume, et proposée par les dites éditions, qui est elle aussi fort contestable. Mais c'est presque ici une anecdote.
On ne sort de l'ambiguité qu'à son détriment, et les lignes de fractures politiques se construisent aussi dans le combat idéologique. Les petits "spécialistes" et autres universitaires sont donc renvoyés ici à l'étude des accointances idéologiques qui permettent ce type d' incursions. Le "ver" était dans le "fruit".

* En poursuivant nos recherches nous apprenons de plus que l'un des contributeurs de l'ouvrage qui a rédigé le texte sur Pasolini un certain Olivier Rey est un drôle de personnage. Créationniste "éclairé", critique catholique de la théorie du genre sous le signe de l'assignation divine. Dont les contributions sont reprises dans diverses publications de la Nouvelle Droite dont la revue Krisis (animée par d'Alain de Benoist Voir par exemple le N°39 de la revue sur le thème de la science). On peut constater son intervention encostardée ici avec une belle cravate ceci dans une grande  église avec des auditeurs super cool. On se demande qui sont les nouveaux gnostiques ? Le trouble n'est pas dans le genre ! il est chez certains "libertaires".


Nous reviendrons brièvement sur ce sujet (La matrice philosophico-politique qui permet cet angle mort, mais aussi sur le déroulé de cette histoire) ceci pendant la prochaine émission de la Web Radio Vosstanie le 30/11 à 21h.




AJOUT DU 14 Mars 2013 (et dernier ?)

La "question" Michéa est une affaire réglée. Pour celui qui en doute un peu, nous renvoyons le lecteur à la page 98 de son dernier ouvrage. Ainsi:

"Ainsi c'est le grand mérite de Constanzo Preve que d'avoir remis au centre de la réflexion marxiste (ou postmarxiste) ce concept de "communauté" on se reportera par exemple à son éloge du communautarisme. Aristote - Hegel - Marx, Krisis 2012 [...] C'est le fait que dans le cas du socialisme nous avons affaire à un universel concret - dont le développement philosophique s'enracine dialectiquement dans l'expérience particulière des communautés réellement existantes".  Les mystères de la gauche éditions Climats 2013

On ne peut faire plus clair dans l'éloge, certes un peu philosophique de la nation. Une nouvelle une fois Michéa ne présente pas ses sources: Constanzo Preve ? pas plus la maison d'édition proche de la Nouvelle Droite et D'Alain De Benoist (bis repetita).

Contrairement au nationaliste Michéa la ligne de rupture des révolutionnaires n'est pas entre une gauche du capital, qui ressemble à sa droite, car les positions historiques, théoriques et pratiques du communisme ou d'une conception libertaire du monde sont, et ceci pour rappel:

- L'internationalisme. (Prolétaires de tous les paysunissez-vous !)
- Le combat anti-capitaliste (et non anti-libéral, ou maussien)
- La lutte des classes (et non des peuples ...)
- La déstruction des fétiches propres au monde capitaliste que sont les Etats, nations, drapeaux, frontières, marchandises, chefs et "Chavez" de la planète.
- Nous ne souhaitons pas la mondialisation des marchandises, pas plus le protectionnisme de la marchandise dans un seul pays.
- Le combat contre La, les hiérarchies (sexe, age, couleur de la peau, politique).

Nous ne cherchons pas plus à radicaliser les luttes pour l'égalité formelle de la bourgeoisie qui se passe très bien de nos services, et qui est déjà accompagnée par son extrême gauche politicienne, le droit et son lot de techniciens spécialisés.

Nous actons pour notre part que Michéa n'est pas un révolutionnaire, pas plus un libertaire mais bien un nationaliste. La fausse naïveté de Michéa découvrant la gauche du capital (il était temps ! ) cache à notre avis un autre discours bien puant et bien médité. Finira t-il par rejoindre le gourou de la réconciliation ? Embarquera t-il avec lui une frange de larbins anarcho-patriotes et consommateurs (petits-bourgeois paranoïaques et flippés) de produits subversifs made in le pays réel ?


Ajout du 6 Mars 2013.

Pour écouter Michéa défendre le "Chavisme" et son "patriotisme" comme valeur du socialisme "décent" il faut simplement écouter les matins de France culture du 6 mars 2013*.
Il faudra aussi que l'on se demande pourquoi celui-ci se laisse étiqueter aussi facilement comme "anarchiste/anarcho-syndicaliste" sans que cela ne questionne la sphère dite libertaire.
Si Michéa vient de découvrir qu'il existe une gauche du capital c'est pour mieux faire l'apologie de sa droite. Le problème c'est que Michéa n'est pas anti-capitaliste, sinon anti-libéral (voir ci-dessus) est-ce pour mieux défendre la tartuferie poujadiste d'un capitalisme régulé dans un seul pays, et la restauration de l'adoration du saint-drapeau ?  Encore un néo-stal ou un national-nostalgique ?

* « En Amérique Latine, contrairement à la gauche occidentale, les différentes gauches ont su conserver un rapport minimal avec la vieille tradition socialiste, dans laquelle la notion de patrie joue un rôle central. » JCM le 6/03/2033 france culture.

Nous lui laissons bien volonté cette "gôche" du capital  et son rapport, même mininal à la patrie, qui pense que le communisme c'est l'Etatisation de l''économie et de l'exploitation, la redistribution de miettes de la rente pétrolière. Voila bien une drôle de critique de l'économie politique.


Octobre 2011

Nous n'allons pas faire ici l’exégèse de la pensée de Jean-Claude Michéa qui se rapproche encore plus certainement de la Nouvelle Droite avec son dernier ouvrage.

Michéa qui n'est pas avare de citations et de références a "oublié" de mentionner (1) que la revue Krisis, qu'il cite en début de son volume, est celle d'Alain de Benoist (voir d'ailleurs à ce sujet notre article sur C.PREVE et Denis Collin).

Est-ce la une référence aussi commune, anodine que cela ? Peut-être est-ce l'effet éducation "nationale" ! Ou le coté conservateur de son "anarchisme" ?

Nous présentons ici un extrait de son dernier texte qui ne mérite pas vraiment de commentaires tant sa position sur son "anti-capitalisme" est limpide !!

 " Pour autant, cela ne signifie pas qu'une société socialiste décente pourrait se passer de marchés locaux, régionaux ou même internationaux (notamment dans le cadre d'une coopération mondiale des peuples). Le rêve d'une abolition intégrale de la logique marchande (au delà de la sphère des relations de face à face) impliquerait, en effet, que tous les besoins et les désirs des individus pourraient être définis et imposés par la collectivité, ce qui reviendrait inéluctablement à détruire l'un des fondements majeurs de la vie privée. Comme Marcel Mauss l'avait clairement annoncé, une société socialiste décente devra donc maintenir – a coté des secteurs domestiques, coopératifs ou publics – un secteur privé (dont l'ampleur ne saurait être limité à priori) et, par conséquent, un nombre, probablement important, d'entreprises privées. "

Page 117 Le complexe d'Orphée. Jean-Claude Michéa Ed. Climats 2011

Si le temps ne nous manque pas nous laisserons à la suite de ce texte les passages propres à la compréhension de l'ontologie de Jean-Claude Michéa ( "peuple(s)" ou sont les prolétaires, les classes ? "enracinement" "authenticité"  "Défense de l'identité", critique du "sans frontièrisme" (sic), keynésianisme déguisé en anti-capitalisme bien plus proche de la "troisième voie" ou tercérisme que d'une rupture avec la marchandise et l'argent. Ceci au nom d'une morale populaire ontologisée !) plus proche de celle de Martin Heidegger que de la conception de la révolution sociale de Marx ou Bakounine.


(1)  Ce n'est bien sur pas cette "absence" de référence de note qui fait de Michéa un individu dont la pensée se rapproche un peu plus de la Nouvelle Droite, mais le contenu global. Contenu repris d'ailleurs par de nombreux sites d'extrême droite on ne se demande pas ici pourquoi. !?

La pensée de Michéa s'inscrit dans le prolongement du discours Clouscardien (voir notre article la révolution n'a pas eu lieu) ou toute tentative de résistance / combat contre le capitalisme est assimilé à sa "promotion".














mardi 22 octobre 2013

Le GARAP sur Radio Vosstanie : Emission du 19/10/2013

Emission de la Web Radio Vosstanie
du 19 octobre 2013.

REDIFFUSION EN LIGNE
(pendant 1 mois)

OU

EN TELECHARGEMENT

INVITES

Le GARAP
Groupe d'Action pour la Recomposition de l'Autonomie Prolétarienne

 THEMES DE L'EMISSION


Présentation - GARAP ? Signification de l'acronyme - Quelques parcours militants jusqu'à la constitution du GARAP. L'extrême-gauche du capital (NPA / LO / POI / CNT) - De l'enquête ouvrière comme outil de combat - De la décomposition de l'ultra-gauche et de l'inutilité des étiquettes. Le rejet des partis et des syndicats - L'apport des courants (Les situs - l'autonomie) - Rapaces - De la pratique - Le sous-fascisme et l'anti-fascisme - Critique de la religion - Le confusionnisme, Soral petit-boutiquier de "l'anti-capitalisme financier" idiot utile du capitalisme national - Une lutte - Un très grand administrateur de banques dans le milieu "ultra-gauche" - Sociologie militante - L'imaginaire prolétarien : ouvrir des perspectives - Remerciements. 

Durée de l'émission 242minutes

lundi 7 octobre 2013

BERTHA BOXCAR (DVD 1972)


A revoir le film de Martin Scorsese



Il s'agit d'une adaptation d'une partie de la vie de Boxcar Bertha, "vagabonde" du rail dans l'Amérique en crise des années 1930. Les heurs et malheurs des hobos, ces prolétaires itinérants qui sillonnaient les Etats-Unis en piratant les chemins de fer. A la fois parcours initiatique, éducation politique et errance aventureuse dans les Etats-Unis de la Grande Dépression et du New Deal, de Bertha Thompson dite Boxcar (wagon de marchandise).
Suite à la mort de son père la jeune Bertha doit partir sur les routes et sa vie bascule quand elle croise le syndicaliste Big Bill Shelley.

En DVD à la MGM. avec Barbara Hershey et David Carradine. 

Il est aussi possible de lire l'autobiographie de Boxcar Bertha par Bertha Reitman aux éditions de l'Insomniaque ou chez 10*18 à demander chez votre bouquiniste préféré.



Les EU un pays libre ? libre de quoi au juste ?

lundi 30 septembre 2013

Il faut sortir Rosa Luxemburg des facs et autres cimetières

Nous nous étions déjà bien gaussés quand 140 ! intervenants tous profs de facs et petits spécialistes, en vrac de: la bicyclette chez Karl Marx ou du parapluie jaune chez Adorno s'étaient réunis en panels et autres plénières à Lausanne pour ne rien moins que "Penser l’émancipation".(1)

Comme le ridicule ne tuant pas, bis repetita, l'année 2014 verra l'expérience aussi ubuesque que drolatique se reproduire sans ouvriers et autres prolétaires, qui c'est bien connu ne peuplent que les livres poussiéreux et autres documentaires pour "alter" du 6eme arrondissement de Paris. 

Entre temps nous aurons le droit dans les jours prochains à une entreprise de panthéonisation  Sorbonnarde s'il vous plait de Rosa Luxemburg.(2)

Rien de plus terrible finalement que les oeuvres complètes, ou des rayonnages morts complétés par ces experts en expertises qui cultivent une marotte, comme marchepied d'une carrière universitaire.

Il est grand temps de sortir Rosa Luxemburg des universités et autres cimetières de la pensée.

Ainsi,  méfions nous des momifications et des mausolées, des temples fussent-ils laïcs, ils servent toujours aux gourous et prophètes ou aux boutiquiers de la radicalité.

Il nous reste encore le rire face à ce pathétique pantomime, qui sera certainement balayé par l'auto-praxis des prolétaires, et qui n'ont que foutre du blablatage marxologique pinailleur et mondain de la petite-bourgeoise intellectuelle.

En attendant que la fureur prolétarienne balaie le vieux monde il est toujours plaisant d'avoir une liste presque complète d'idiots utiles et de tartuffes de la pensée critique d’État.

- - -
notes:

Le lot des récupérateurs (voir Jaime Semprun et son Précis de récupération illustré de nombreux exemples tirés de l'histoire) a toujours été important. A ce niveau et à ce sujet il est peut-être salutaire de relire Paul Mattick et son marxisme dernier refuge de la bourgeoisie.

(1) PENSER L’ÉMANCIPATION. Théories, pratiques et conflits autour de l’émancipation humaine. Colloque international Université de Lausanne 25-27 octobre 2012.

(2) Conférence Internationale sur Rosa Luxemburg dans le triste amphi Cauchy à la Sorbonne.

jeudi 26 septembre 2013

La Révolution fut une belle aventure de Paul MATTICK

Des rues de Berlin en révolte aux mouvements radicaux américains (1918-1934)
 
Gamin révolté des rues du Berlin de l’après-Grande Guerre, Paul Mattick commence par s’engager dans le mouvement spartakiste avant de devenir communiste antibolchevique. Au coeur des années de feu de la révolution allemande (1918-1924), il nous raconte son incroyable parcours, entre action directe et répression, illégalisme et clandestinité. Le reflux du mouvement révolutionnaire et la montée en puissance des forces autoritaires – stalinisme et nazisme –, le poussent, comme tant d’autres, à l’émigration. Aux États-Unis, il s’engage aux côtés des IWW et d’autres groupes radicaux, puis il participe au grand mouvement des chômeurs des années 1930 où se mêlent hobos, syndicalistes et révolutionnaires. Il nous plonge dans ces moments d’intense agitation sociale, aujourd’hui méconnus. La belle aventure, ce fut, d’un continent à l’autre, la traversée des années bouillonnantes de l’« âge des extrêmes ». Paul Mattick la raconte avec une sagacité qui laisse toute la place à ses camarades de lutte, à ses ennemis aussi, aux débats d’idées qui accompagnent toujours l’action, à la rencontre des ouvriers radicaux avec les avant-gardes artistiques de l’époque, expressionnistes et dadaïstes. Ce témoignage exceptionnel restitue l’ambiance de mondes disparus secoués par le puissant désir d’une société libérée de l’exploitation. Désir qui court au fil de ces pages et qui est, lui, d’une fraîcheur et d’une actualité saisissantes.


Traduit de l’allemand par Laure Batier et Marc Geoffroy. 
Préface de Gary Roth, notes de Charles Reeve. 
Editions L'Échappée / collection Dans le feu de l’action / 192p. 17€  

A paraître.
En librairie le 22 octobre 2013. 


Né à Berlin et mort à Boston, Paul Mattick (1904-1981) est connu comme théoricien du communisme de conseils. Il laisse une oeuvre importante traduite en de nombreuses langues, entre autres : Marx et Keynes, les limites de l’économie mixte (Gallimard, 2010), Marxisme, dernier refuge de la bourgeoisie (Entremonde, 2011).

dimanche 22 septembre 2013

L'art d'accomoder les fonds de sauces

« Les sauces sont l’aboutissement des préparations culinaires élaborées, surveillés et peaufinée par le chef au sommet de sa maîtrise technique et le jeu subtil de celui-ci sera de transformer, récupérer et exalter les sucs, exsudats et humeurs de sa cuisine » 
In Chef Simon le plaisir de Cuisiner.

La commémoration légitime de la répression chilienne soulève sont lot de questions tout aussi légitimes. A n'en pas douter les 40 ans de la transition démocratique portugaise l'année prochaine soulèvera les mêmes types d'interrogations. Qu'est-ce donc que ce « socialisme » de coalition et de « partis » qui a voulu mettre en place un « État socialiste »?


Qu'est-ce donc que ce socialisme d’État qu'Allende, ami de Fidel Castro à voulu édifier par le haut avec sa parade cogestionnaire et la complicité syndicale. Qu'est-ce donc que ce socialisme qui se propose d'Etatiser l 'économie et de nationaliser les entreprises ? Qu'est-ce donc que ce socialisme qui nationalise des richesses minières qui bien que se trouvant sur un sol dit "national" appartiennent à l'humanité ?


Le camarade président Allende tentait-il de nous refaire le sempiternel coup du socialisme national dans un seul pays, ceci sur les conseils de son Fidel ami  ? Rien ne nous incite à penser le contraire. L'atmosphère glacée de l'époque aura raison de son projet mais surtout des milliers de militants assassinés par le régime de Pinochet.


Les quelques livres et événements qui viennent faire l’actualité de la répression chilienne doivent-ils nous empêcher de dire que nous ne sommes pas de ce « socialisme là »? Que les cuisiniers néo-staliniens et post-trotsk n'hésitent pas à  re-servir cette sauce rance et frelatée, qui est systématiquement présentée comme s'inspirant du célèbre livre de cuisine pour tous qu'est le Capital, c'est confondre le fast food de la sous-pensée a-critique, base de toutes les intoxications intellectuelles et pratiques, avec une réelle analyse de ce qu'est-ce le capitalisme.


Nous faisons donc savoir à ceux qui s'amusent avec la mémoire... que nous ne prenons pas les vessies des événements chiliens et les trois ans de gouvernement Allende, pour des lanternes du communisme...

Que l'Etatisation de l'économie n'ouvre pas la voie à la disparition de l'Etat....et que taxer les riches n'abolit pas les classes. Que nous n'aimons pas les présidents...fussent-ils des « camarades ». 



Le salaire c'est le problème !



Abolition du salariat - les classes au feu le travail et l'argent au milieu

Merci au camarade et ami Nico pour se détournement d'une affiche du PC.

vendredi 13 septembre 2013

Emission du 14/09 / Radio Vosstanie

Diffusion et téléchargement à partir du samedi 21/ 09 à 21H
 
Emission du Vosstanie le 14/09 (Partie 1 & 2)


INVITE DE L'EMISSION
zones-subversives
zones-subversives.over-blog.com

+

Analyses et discussion
autour du film Bienvenue à Gattaca
réalisé par Andrew Niccol

Précédé du retour critique sur la dernière émission. 
Quelques parutions et rdv.
Rapide retour sur la situation portugaise.
Quelques propos sur l'actualité qui dure.
etc...

Seconde 


Partie 3 en téléchargment en octobre



mercredi 4 septembre 2013

Une autre histoire des "trente glorieuses" - Collectif.

Modernisation, contestations et pollutions dans la France d'après-guerre.

  Nous invitons bien sur les apôtres du CNR et les nostalgiques de Jean Gabin à se pencher sur cet ouvrage, histoire de tordre le cou au c'était "mieux avant". Quoi de neuf ?

Comme était doux le temps des « Trente Glorieuses » ! La démocratisation de la voiture et de la viande ! L'électroménager libérant la femme ! La mécanisation agricole éradiquant la famine ! La Troisième Guerre mondiale évitée et la grandeur nationale restaurée grâce à la dissuasion nucléaire ! Etc. Telle est aujourd'hui la vision dominante de cette période d'« expansion », objet d'une profonde nostalgie passéiste... au risque de l'aveuglement sur les racines de la crise contemporaine.
À rebours d'une histoire consensuelle de la modernisation, cet ouvrage dévoile l'autre face, noire, du rouleau compresseur de la « modernité » et du « progrès », qui tout à la fois créa et rendit invisibles ses victimes : les irradié.e.s des essais nucléaires en Algérie et en Polynésie, les ouvrier.ère.s de l'amiante ou des mines d'uranium contaminé.e.s, les rivières irrémédiablement polluées, les cerveaux colonisés par les mots d'ordre de la « croissance » et de la publicité...
Les conséquences sociales et environnementales des prétendues « Trente Glorieuses », de leur mythologie savamment construite par les « modernisateurs » eux-mêmes, de leurs choix technico-économiques et de leurs modes de vie, se révèlent aujourd'hui très lourdes. Il nous faut donc réévaluer la période et faire resurgir la voix des vaincu.e.s et des critiques du « progrès » (de l'atome, des pollutions, du productivisme et du consumérisme) antérieures à 1968. L'enjeu est non seulement de démonter les stratégies qui permirent alors de les contourner, mais aussi de les réinscrire dans les combats politiques et écologiques contemporains.

 
Introduction. Pour en finir avec les « Trente Glorieuses », par Christophe Bonneuil, Céline Pessis et Sezin Topçu  
I / De la geste modernisatrice
Les « Trente Ravageuses » ? : L'impact environnemental et sanitaire des décennies de haute croissance, par Christophe Bonneuil et Stéphane Frioux 
L'histoire et l'idéologie productiviste : les récits de la " révolution industrielle après 1945, par Jean-Baptiste Fressoz et François Jarrige 
Jean Fourastié, apôtre de la productivité : dire et administrer le progrès, par Régis Boulat
La pollution de l'air, un mal nécessaire ? : la gestion du problème durant les "Trente Glorieuses", par Stéphane Frioux
Le Grand Paris sous la tutelle des aménageurs ? : planification des usages, critiques et résistances dans les années 1960, par Loïc Vadelorge 
La machine au secours de l'Empire colonial ? : la mécanisation de l'agriculture et ses détracteurs en Afrique tropicale française, par Céline Pessis
L'Empire nucléaire : les silences des "Trente Glorieuses", par Gabrielle Hecht  

II / Des résistances au « progrès » et de l'art de les marginaliser
Atome, gloire et désenchantement : résister à la France atomique avant 1968, par Sezin Topçu Pollution des rivières : mesurer pour démoraliser les contestations : des plaintes des pêcheurs aux chiffres des experts, par Gabrielle Bouleau 
Les germes de la préoccupation environnementale dans le mouvement syndical : sur les rapports entre syndicalism et et productivisme, par Renaud Bécot
Les situationnistes face à la modernité technique et au capitalisme : une avant-garde entre romantisme et modernité, par Patrick Marcolini
La critique de la vie quotidienne, Barthzq, Lefebvre et la culture consumériste, par Kristin Ross Charbonneau et Ellul, dissidents du « progrès » : critiquer la technique face à un milieu chrétien gagné à la modernité, par Christian Roy

La Découverte 320p. ISBN : 9782707175472. dirigé par  Céline PESSIS, Sezin TOPÇU, Christophe BONNEUIL

dimanche 1 septembre 2013

Anarchie au Portugal...?

 Une image pas très courante dans un nord plutôt conservateur

De retour du Portugal nous ferons un rapide état de la situation portugaise vu de l'intérieur, hors des milieux militants, ceci pendant la prochaine émission de Radio Vosstanie le 14/09 à 21h en direct.



mardi 16 juillet 2013

Les limites de l'intégration par Paul MATTICK (1969)

L’homme unidimensionnel dans la société de classe
Version PDF en téléchargement / version texte prochainement

Origine: de la page 145 à 208 du volume.

Intégration capitaliste et rupture ouvrière


Choix de textes traduits par Serge Bricianer. Études et documentation internationales, 1972.

Version Texte à suivre
 

Traduit de : One-Dimensional Man in Class Society, traduit sur le manuscrit anglais. (Une première version de cet essai a été publiée en français, dans une traduction de Louis Evrard, sous le titre : « Les Limites de l'intégration », Cahiers de l'I.S.E.A., série S, Etudes de marxologie, août 1966, n° S bis, pp. 173-200. La version définitive, nota­blement augmentée, a été traduite en allemand par Hermann Huss : P. Mattick, Kritik an Herbert Marcuse. Der eindimensionale Mensch in der Klassengesellschaft, Francfort-sur-le-Main, 1969, 68 p. C'est cette version définitive qui a été retenue ici.)


                       « Un marxiste ne devrait se laisser abu­ser par aucune sorte de mystification ou d'illusion. »  Herbert MARCUSE


A l'occasion d'un colloque, réuni à Korcula, en Yougoslavie, Herbert Marcuse se demandait si « la révolution est concevable dès lors qu'elle ne correspond pas à une nécessité vitale ». Et de pré­ciser que cette nécessité-là « n'a strictement rien à voir avec des besoins vitaux tels que des conditions de travail meilleures, des revenus plus élevés, une liberté plus grande, etc., toutes revendi­cations que la société présente est en état de satisfaire. Pourquoi donc des gens qui ont de bons vêtements, un réfrigérateur bien garni, un poste de télévision, une voiture, une maison et le reste, ou qui peuvent espérer avoir tout cela bientôt, songeraient-ils à renverser l'ordre établi ? » (1). Marx, dit Marcuse, comptait sur une révolution ouvrière parce qu'à ses yeux les masses laborieuses repré­sentaient la négation absolue de l'ordre bourgeois. L'accumulation du capital vouant les travailleurs à une misère sociale et matérielle toujours accrue, ceux-ci se trouvaient et enclins et poussés à se dresser contre la société capitaliste en vue de la transformer. Mais, selon Marcuse, si le prolétariat ne représente plus la négation du capitalisme; il cesse du même coup « de différer qualitativement des autres classes et, par suite, d'être capable de créer une société qualitativement différente » (2).

Marcuse n'ignore nullement que les pays capitalistes avancés sont en proie au malaise social tandis que bien des pays sous-développés passent ou ont de fortes chances de passer par une situation révolutionnaire. Cependant, les mouvements subversifs des pays avancés n'aspirent à rien d'autre qu'à l'obtention des « droits bourgeois », ainsi de la lutte des Noirs américains, tandis que les mouvements des pays sous-développés ont une nature non point prolétarienne, mais indiscutablement nationaliste : ils visent à rejeter le joug de l'étranger et à éliminer cette arriération qui reste le lot de leur nation. Le concept marxien de révolution n'est plus conforme aux conditions réelles, soutient Marcuse, car le système capitaliste a réussi, malgré ses contradictions persistantes, à « canaliser les antagonismes de telle sorte qu'il puisse les mani­puler. Sur le plan matériel comme sur le plan idéologique, les classes mêmes qui incarnèrent jadis la négation du capitalisme y sont de plus en plus intégrées » (3).


C'est la signification, et l'ampleur de cette « intégration » que Marcuse expose en détail dans son ouvrage, L'Homme unidimen­sionnel (4). La société où vit l'homme intégré est une société sans opposition. Certes, la bourgeoisie et le prolétariat en constituent toujours les deux grandes classes fondamentales, mais leur structure et leur fonction se sont modifiées au point que « désormais elles ne semblent plus être historiquement des agents de transformation sociale » (5). Tout en soulignant que la société industrielle avancée est « en mesure d'empêcher une transformation qualitative de la société dans l'avenir prévisible », Marcuse n'en admet pas moins l'existence « de forces et de tendances capables de passer outre et de faire éclater la société » (6). Il lui paraît pourtant évident, que « la première tendance est la dominante et, quelles que soient les conditions propices à un renversement de la situation, elles sont utilisées pour le prévenir » (7). Cette situation, un événement fortuit peut sans doute la changer, mais « si l'homme n'est pas bouleversé dans son comportement en prenant conscience de ce qui est fait et de ce qui est empêché, même une catastrophe n'apportera pas de changement qualitatif » (8).
     Voilà supprimés d'un trait, en tant qu'agents de transformation historique, non seulement la classe laborieuse, mais aussi son antagoniste bourgeois. Tout se passe comme si une société « sans classes » émergeait au sein de la société de classes, « car un intérêt puissant unit les anciens adversaires pour maintenir et renforcer les institutions » (9).


La cause en est, dit Marcuse, que le progrès technologique — qui transcende le mode de production capitaliste — tend à créer un appareil de production totalitaire, lequel détermine non seulement les emplois, les qualifications et les attitudes socialement nécessaires, mais aussi les besoins et les aspirations des individus. Ainsi « il n'y a plus d'opposition entre la vie publique et la vie privée, entre les besoins sociaux et les besoins individuels. La technologie permet d'instituer des formes de contrôle et de cohésion sociale à la fois nouvelles, plus efficaces et plus agréables (10). Par son truchement, dit Marcuse, « la culture, la politique et l'économie s'amalgament dans un système omniprésent qui dévore ou qui repousse toutes les alternatives. Ce système a une productivité et un potentiel croissant qui stabilisent la société et enferment le progrès technique dans le schéma de la domination » (11).
 

Notre auteur admet sans doute qu'une partie du globe échappe aujourd'hui encore à la tendance au pouvoir et à la cohésion sociale de type totalitaire; voilà qui ne saurait toutefois durer longtemps, attendu que cette tendance est en train de gagner « les régions du monde moins développées et même pré-industrielles et de créer des similitudes entre le développement du communisme et celui du capi­talisme » (12). En effet, « le changement politique ne peut devenir lui-même un changement social et qualitatif que dans la mesure où il transformerait le sens du progrès technique — c'est-à-dire dans la mesure où il peut développer une nouvelle technologie » (13).

Assurément, Marcuse ne se livre pas à une description réaliste des conditions existantes; il cherche plutôt à dégager les tendances qu'on peut observer au sein de ces conditions. C'est parce que les virtualités du système actuel prennent corps sans rencontrer d'oppo­sition qu'on semble devoir aboutir à une société totalitaire complètement intégrée. Pour mettre obstacle à ce mouvement, il faudrait que les classes opprimées « se libèrent à la fois d'elles-mêmes et de leurs maîtres » (14). Transcender des conditions établies, voilà qui présuppose une transcendance au sein de ces conditions : tour de force que la société unidimensionnelle interdit à l'homme unidimen­sionnel. Et Marcuse de conclure en ces termes : « La théorie critique de la société ne possède pas de concepts qui permettent de franchir l'écart entre le présent et le futur; elle ne fait pas de promesses; elle n'a pas réussi; elle est restée négative » (15). Autrement dit, la théorie critique — ou marxisme — ne mérite plus guère qu'un coup de chapeau en passant.


II 



         Par le refus qu'il oppose aux conditions, en apparence peu susceptibles de changer, de cette nouvelle « barbarie », arrogante au point de se présenter comme la fleur de la civilisation, Marcuse transforme son négativisme en une critique sociale efficace, laquelle demeurerait valide même si les tendances qu'il en dégage ne se réalisaient pas, ou se réalisaient autrement qu'il ne le prévoit. Quand bien même son « pessimisme » au sujet de l' « avenir prévi­sible » paraîtrait excessif, force cependant est de reconnaître que ce pessimisme n'est pas sans justifications dans les conditions actuelles.
        De nos jours, comme dans le passé, on cesse habituellement de compter sur une révolution ouvrière dès lors qu'on s'attend à voir les problèmes sociaux résolus par voie de réforme dans le cadre du capitalisme. Ceci admis, en effet, la révolution non seulement semble hautement improbable, mais aussi apparaît totalement dépourvue de nécessité. Cet essor de la société unidimensionnelle, cette naissance de l'homme unidimensionnel, on ne les déplore pas; mieux, on les célèbre comme un accomplissement commun du travail et du capital, pour le plus grand bien de tous. Marcuse se distingue, quant à lui, de pareils « critiques » du marxisme et de la révolution prolétarienne en prenant position contre les résultats « finals » des efforts réfor­mistes. Il tient que le monde est dans un état misérable et désespéré justement parce qu'il n'y a pas eu de révolution prolétarienne (et que tout porte à croire qu'il n'y en aura pas); justement parce que le marxisme n'a pas fait le poids, face à un capitalisme d'une élasticité éprouvée, et capable par surcroît non seulement de maîtriser les virtualités révolutionnaires de la classe ouvrière, mais encore de les utiliser à son profit.
       Etant donné la situation présente des pays capitalistes avancés, l'histoire paraît donner raison au révisionnisme « marxiste » plutôt qu'au marxisme révolutionnaire. Ce dernier fut le produit d'une période de développement où l'accumulation du capital signifiait, de fait, une misère croissante pour la population laborieuse. Vers le début de ce siècle, cependant, on put s'apercevoir clairement qu'il y avait divergence entre le pronostic marxien, pris dans ses aspects fondamentaux, et le cours réel du développement : le capitalisme n'impliquait nullement la paupérisation continue des ouvriers; et les travailleurs eux-mêmes, loin d'arriver à un degré plus élevé de conscience de classe, étaient de plus en plus satisfaits de l'amélioration régulière de leur condition. La guerre de 1914 révéla que la classe ouvrière avait cessé d'être une force révolutionnaire.
           Les misères de la guerre et de la dépression prolongée qui s'ensuivit réveillèrent un tant soit peu la volonté d'opposition de la classe ouvrière; le spectre de la révolution sociale revint hanter le monde. Or le capitalisme se montra capable, une fois de plus, de canaliser les énergies révolutionnaires ainsi mises en mouvement et de les plier à ses fins propres. La deuxième guerre mondiale et ses répercussions de tous ordres ont provoqué, sur le plan de l'action pratique comme sur celui de l'idéologie, une éclipse à peu près totale du socialisme prolétarien. Contester un fait aussi évident ne servirait de rien. Mais il est tout aussi évident que le système capitaliste se trouve contraint d'améliorer de jour en jour la condition des classes laborieuses, faute de quoi une opposition efficace ne manquerait pas de surgir. Et, s'il n'y parvenait pas de façon continue, sa « cohésion » actuelle pourrait bien disparaître de nouveau. Cela s'est déjà vu lors de certaines crises de longue durée.
       Pour justifier son pessimisme, Marcuse fait valoir que le capi­talisme a recouvré la faculté de résoudre les problèmes économiques par des moyens politiques. Selon lui, le régime du laissez-faire, avec son cortège de crises cycliques, a cédé la place à « une économie de profit dirigée par l'Etat et les grands monopoles, à un capitalisme organisé » (16). Il considère comme chose établie que ce système est à même d'assurer la croissance régulière de la production et de la productivité, grâce à l'automation notamment, et par là, de continuer à garantir un niveau de vie élevé à ceux qu'il emploie. Dans l'immédiat comme dans le médiat, il existe — pense Marcuse
une « abondance » qui, tout assortie qu'elle est d'une « concen­tration sans précédent à ce degré des pouvoirs culturel, politique et économique », satisfait assez les besoins matériels des hommes pour éteindre en eux la soif de changement social et pour faire apparaître un « monde de l'identification ».
       Nombre de théoriciens sociaux ont évoqué, qui pour s'en réjouir, qui pour la déplorer, l'éventualité d'un « capitalisme organisé ». Cette idée se trouve, par exemple, à la base de la théorie du cartel général que professait Hilferding (17), cartel où la production était totalement intégrée, la distribution conservant seule un caractère antagonique. Mais, tout en étant peut-être concevable à l'échelon national, un système de ce genre ne l'est pas du tout à l'échelle mondiale, et c'est pourquoi d'ailleurs il ne serait réalisable que d'une façon partielle à l'intérieur d'un seul pays. Dans la mesure où elle s'est mise en place, la forme organisée du capitalisme fut en premier lieu une réaction aux pressions de la concurrence inter­nationale; et plus cette « planification » entrait dans les faits. et transformait les mécanismes du marché, plus le système capitaliste s'enfonçait dans le chaos et la destruction. Les rapports de propriété capitalistes barrent la voie à toute véritable organisation sociale de la production; c'est là seulement où ces rapports ont été anéantis, en Russie par exemple, qu'il s'est révélé possible d'organiser centralement la production, du moins jusqu'à un certain point, le système de distribution demeurant antagonique. Même en ce cas toutefois, le caractère de l'économie reste également déterminé par la concur­rence internationale et, dans cette mesure, ce type d' « organisation » contribue à perpétuer l'anarchie générale de la production de capital.
         Aux yeux de Marcuse, cette situation se ramène à la « coexis­tence du capitalisme et du communisme », par laquelle il explique « tout à la fois les métamorphoses du capitalisme et la défiguration que l'idée originelle du socialisme a subie dans la pratique » (18). Non seulement la coexistence empêche la réalisation complète du socialisme, mais encore elle apparaît comme la « force motrice » de la croissance générale de la productivité et de la production. Elle accélère, dit-il, « la stabilisation du capitalisme et, par là, l'intégra­tion sociale à l'intérieur de la société capitaliste; il y a suspension des antithèses et des contradictions au sein de cette société » (19). Nul ne songe à contester que la productivité s'est accrue et dans les pays dits « communistes » et dans les pays capitalistes, au sens classique du terme, et qu'elle va continuer à progresser au rythme des progrès de la technologie. Mais cela, loin d'aboutir forcément à une stabilisation plus grande et à une intégration sociale plus poussée, peut avoir — et à notre avis doit avoir — des résultats absolument contraires.


III



      Outre le fait que l'accumulation du capital, induite par la concurrence, engendre une « force motrice » suffisant à elle seule, même en l'absence de toute « coexistence », à élever la productivité du travail, une chose devrait être bien claire, à savoir : que la dynamique de la production de capital ne s'identifie pas au progrès technologique. En effet, ce n'est pas la production et la productivité k` comme telles qui font avancer le capitalisme, mais la production de profit, en tant que condition préalable à l'accumulation du capitaI. Ainsi, la chute de la production en temps de crise provient non d'une incapacité matérielle à produire, mais d'une incapacité à produire du profit. Qu'il y ait à ce moment pléthore de marchan­dises, voilà qui rend manifeste la différence entre production tout court et production capitaliste. Ce qui détermine l'état de l'économie capitaliste n'est donc pas l'aptitude technique à créer de l' « abondance »; c'est bien plutôt, et au premier chef, la capacité (ou l'incapacité) de produire une abondance de profit. La technologie de l' « abondance » — effective ou virtuelle — n'implique en rien une- abondance réelle, propre à couvrir les besoins sociaux actuels.
    Il est indéniable qu'à l'époque moderne les salaires réels ont augmenté. Mais seulement dans le cadre de l'expansion du capital, laquelle suppose que le rapport des salaires au profit demeure cons­tant en général. La productivité du travail devait alors s'élever avec une rapidité permettant à la fois d'accumuler du capital et d'accroître le niveau de vie ouvrier. Mais, pendant les phases de dépression, il y avait renversement passager de cette tendance. Quand l'accu­mulation subissait un temps d'arrêt, les niveaux de vie ou bien baissaient, ou bien demeuraient ce qu'ils étaient avant l'émergence du capitalisme. Selon Marx (et l'on présume ici que le lecteur connaît sa théorie du développement du capitalisme), l'accumulation aboutit nécessairement à un déclin du profit par rapport à la masse toujours accrue du capital et, au-delà, à des crises suffisamment profondes pour déclencher des convulsions sociales, voire même la subversion du système dans son ensemble. Mais la « loi générale de l'accumulation capitaliste », telle que Marx la tira de considé­rations tout abstraites sur la structure et la dynamique du système, ne fixe pas un calendrier précis : un jour, tôt ou tard — et plus probablement même : très tard — les contradictions inhérentes à l'accumulation du capital pourraient atteindre un seuil critique.
      Pour aplanir concrètement les obstacles rencontrés par la valo­risation du capital, tous les moyens susceptibles de rétablir la renta­bilité requise sont bien entendu mis en oeuvre. S'ils font effet, ces moyens prolongent l'existence du capitalisme. Cependant, un simple accroissement de la production n'est pas un indice d'expansion véri­table; il faut encore que cet accroissement assure la formation de capital et l'assure à un rythme accéléré. On voit en temps de guerre des augmentations énormes de la production, mais qui s'accom­pagnent d'un taux de formation du capital excessivement bas. Le surtravail, au lieu d'être transformé en capital sous forme de moyens de production additionnels et générateurs de profit, est dilapidé dans la production de guerre et sert à détruire le capital déjà accumulé. De même, en temps de « paix », la production peut augmenter malgré un taux de formation du capital en stagnation, voire en baisse, grâce aux effets compensateurs de la production induite par l'Etat (government-induced production). L'essor du système d' « éco­nomie mixte » fait la preuve que le capitalisme se trouverait en état de dépression, n'était l'expansion du secteur sous emprise étatique.
      Marx a prédit, on le sait, le déclin et la fin du capitalisme du laissez-faire. Manifestement, l'évolution effective du système n'a pas encore démenti cette prédiction. Marcuse, lui aussi, dit et redit que « l'économie ne fonctionne que grâce à l'intervention directe ou indirecte de l'Etat dans des secteurs vitaux » (20). Mais quelles conséquences a donc cette intervention sur l'économie du secteur privé ? Il est hors de doute qu'elle stimule la production et, par là, entraîne une croissance de l'appareil de production, supérieure à ce qu'elle serait en l'absence de ce type d'intervention. Dans la mesure où l'accumulation du capital se poursuit, c'est l'Etat qui se trouve à son origine. Celui-ci met en œuvre des ressources produc­tives, qui ne lui appartiennent pas en propre, en achetant certains produits aux entreprises privées. Si ces transactions ont pour but de stabiliser l'économie de marché, il faut que la production induite par l'Etat ne soit pas concurrentielle. Car si l'Etat achetait des articles de consommation ou des biens durables pour en faire don, il réduirait d'autant la demande privée de ces marchandises. S'il fabriquait des uns ou des autres dans des entreprises à lui et les mettait en vente, il aggraverait du même coup les difficultés de ses concurrents privés, ceux-ci voyant diminuer leur part d'un marché sur lequel la demande n'est pas infinie. Les achats d'ordre gouver­nemental, et la production qu'ils induisent, doivent avoir lieu hors du système du marché et venir s'ajouter à la production destinée à ce dernier. Ils concernent donc avant tout des biens et des services qui n'ont pas leur place dans l'économie de marché, à savoir les travaux publics et toutes sortes d'autres dépenses étatiques.
       Cette division des productions publique et privée n'a rien d'absolu, il va de soi. Des nécessités politiques peuvent pousser le gouvernement à intervenir dans la sphère de la production privée, en subventionnant par exemple la fabrication de certaines marchan­dises, ou en achetant des excédents en vue de les distribuer au titre de l'aide à l'étranger ou à ses propres nationaux. Il y a parfois imbrication des entreprises publiques et privées dans certaines branches de l'économie, au niveau tant de la production que de son écoulement et de son financement. Mais il n'en reste pas moins qu'en règle générale on peut parler d'une division de l'économie en un secteur privé, mû par le profit, et un secteur public, plus res­treint et échappant aux impératifs de la rentabilité. Le premier doit réaliser ses profits sur le marché; le second n'a pas à s'en soucier, mais n'est pas sans affecter, du fait de son existence et de ses activités, les rapports de marché au sein du secteur privé.
       L'État accroît la « demande effective » en achetant à l'indus­trie privée, et finance ses achats soit par l'impôt, soit par des emprunts émis sur le marché des capitaux. Dans le premier cas, il ne fait que transférer au secteur public de l'argent gagné dans le secteur privé, ce qui peut modifier à certains égards l'orientation de la production, mais sans l'augmenter nécessairement. Dans le second, ces achats peuvent avoir le même effet, mais à cette aug­mentation de la production correspond un accroissement de la dette publique, consécutif au « financement par le déficit budgétaire ».
        Le capital existe sous deux formes : soit « liquide », l'argent, soit fixe, les moyens de production et les matières premières. L'argent emprunté par l'Etat met en oeuvre des ressources produc­tives. Ces ressources sont propriété privée; pour fonctionner comme capital, elles doivent être reproduites et élargies. L'amortissement des installations et les profits retirés de la production liée à des contrats passés par l'Etat — laquelle n'est pas réalisable sur le marché — sont « réalisés » grâce à l'argent emprunté par ce der­nier. Cet argent, quant à lui, reste propriété privée; il est prêté à un certain taux d'intérêt. Ainsi, la dette publique s'alourdit régulièrement des coûts de la production induite par l'Etat.
     Afin de payer ses dettes, principal et intérêts, celui-ci doit recourir à l'impôt ou lancer de nouveaux emprunts. Le coût de la production liée .à des commandes étatiques est donc à la charge du capital privé, quand bien même cette charge se trouve répartie sur l'ensemble de la société et sur une longue période. Autrement dit, les produits que l'Etat « achète » ne sont pas vraiment achetés, mais lui sont fournis gratis, car il n'a rien à donner en échange, si ce n'est sa garantie laquelle, à son tour, n'a d'autre base que la somme des impôts qu'il est à même de lever et de l'inflation monétaire qu'il peut se permettre. Inutile d'entrer ici dans les détails complexes de ce processus. En effet, de quelque façon que le volume du crédit est accru, de quelque façon qu'on s'y prenne pour augmenter la production induite par l'Etat, une chose est claire : le seul moyen d'honorer les échéances de la Dette et de ses intérêts, c'est de restreindre le revenu actuel et futur que sécrète le secteur privé.
     Si elle n'est pas causée par la guerre, l'intervention de l'Etat trouve sa raison d'être dans un fonctionnement défectueux de la production privée. Cette dernière ne fait pas assez de profit pour, financer sa propre expansion, condition préalable pourtant au plein emploi de ses ressources productives. Seule une production non ren­table peut accroître la rentabilité globale; et, dans la mesure où le capital produit sans souci de rentabilité, il ne fonctionne pas comme capital. Même si ses capacités productives inutilisées sont mises en oeuvre grâce à des contrats passés par l'Etat, les « profits » réalisés de la sorte et le « capital accumulé » dans ce processus ne sont pas autre chose que des données comptables afférentes à la dette publique, et non des moyens de production effectifs et générateurs de profit, et cela lors même que la croissance de l'appareil. matériel de production suit l'augmentation de la production. Quand la production induite par l'Etat augmente relativement plus vite que l'ensemble de la production sociale, il y a baisse proportionnelle de la formation de capital privé, baisse que dissimule l'accroisse­ment de la production effectuée pour le compte de l'Etat, et dont les « profits » prennent la forme de créances sur ce dernier. 

        Attendu que la production induite par l'Etat est elle-même un indice de la baisse du taux de formation du capital (au sens traditionnel), il est exclu qu'elle puisse servir de véhicule à une expansion du capital privé suffisamment ample pour garantir le, plein emploi et la prospérité générale. Loin de là, elle freine l'expansion, étant donné que les exigences du gouvernement en matière économique, tout comme le service de - la dette publique, détournent du chemin de la capitalisation à titre privé une part croissante des profits qui viennent d'être réalisés. 
      Certes, le gouvernement peut décider de répudier ses dettes, et les « profits » réalisés grâce à la production induite par l'Etat se révéleraient dès lors ce qu'ils sont en réalité : des profits imaginaires. Quand bien même cette mesure sera peut-être inévitable un jour, les gouvernements font tout pour en retarder l'échéance, d'autant que la répudiation de la Dette ne saurait à elle seule faire redémarrer l'accumulation privée du capital. En attendant, on assiste, il va de soi, à une dépréciation lente mais régulière des revenus et des titres d'emprunts par suite de l'inflation — conséquence obligée de l'essor de la production induite par l'Etat au moyen d'un finan­cement par le déficit budgétaire. 
     Malgré la prospérité toute relative que les pays industriels avan­cés viennent de connaître en longue période, rien ne permet d'affir­mer que la production de capital a réussi à surmonter, grâce aux interventions de l'Etat dans l'économie, les contradictions qui lui sont inhérentes. Ces interventions elles-mêmes dénotent la persis­tance d'une crise de la production, et la croissance du secteur sous emprise étatique constitue un sûr indice du déclin de l'économie d'entreprise privée. Pour mettre un terme à ce déclin, il faudrait non seulement donner un coup d'arrêt à l'énorme expansion de la production induite par l'Etat, mais aussi restaurer la faculté d'essor spontané qui caractérisa un temps la production de capital; bref, ce serait renverser totalement la tendance générale du développement capitaliste au xxe siècle. Et comme la chose est singulièrement impro­bable, l'Etat se verra contraint d'empiéter de plus belle sur le sec­teur privé et de se faire ainsi l'agent d'une liquidation de l'économie de marché. Mais, dans tous les cas où l'Etat représente le capital privé, il ne s'y résoudra pas sans mal et devra affronter l'opposition de plus en plus acharnée du capital privé. Ces tergiversations inévi­tables risquent fort de provoquer un passage brutal de la prospérité apparente à la crise économique. 
      Marcuse ne conteste certes pas l'existence « d'un conflit entre secteur public et secteur privé », mais ne pense nullement que « ce conflit soit explosif au point de porter au renversement du capita­lisme », notamment, dit-il, parce que de tels conflits « ne sont pas choses nouvelles dans l'histoire du système » (21).

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(1) H. MARCUSE, « Le Socialisme dans la société industrielle », Revue internationale du socialisme, II, 8, avril-mai 1965, p. 159.
(2) « Le Socialisme dans la société industrielle », loc. cit., p. 158.
(3) Id., p. 148.
(4) H. MARCUSE, L'Homme unidimensionnel. Essai sur l'idéologie de la société industrielle avancée, trad. Monique Wittig, Paris, 1970, (1" éd. française, 1968; 1" éd. américaine, 1954).
(5) Id., p. 21.
(6) Id., p. 23.
(7) Ibid.

(8)  Ibid.
(9) Id., p. 21.
(10) Id., p. 24.
(11) Id., p. 25.
(12) Id., p. 24.
(13) Id., p. 280.

(14) Id., p. 305.
(15) Id., p. 312.

(16) « Le Socialisme dans la société industrielle », loc. cit., p. 149.
(17) Cf. R. HILFERDING, Le Capital financier, trad. M. 011ivier, Paris, 1970.
(18) « Le Socialisme dans la société industrielle », loc. cit., p. 147.
(19) Ibid.

(20)  « Le Socialisme dans la société industrielle », foc. cit., p. 149.