Quand les bourgeois montrent le doigt, les prolétaires regardent la lune et se préparent au combat...
Le temps ne s'embarrasse pas de nettoyer toutes traces du passer. Ceci est encore plus vrai quand il s'agit de la mémoire sociale ou des luttes politiques.
Mais cela est sans compter avec les facteurs actifs du lessivage historique (1). Nous naviguons ainsi entre pléthore d'informations et l'euphémisation des concepts, l'oubli organisé, et la promotion marchande d'une mémoire spécialisée.
Autant dire pour cette dernière qu'il s'agit surtout de légitimer les niches de recherches et de remplir les bibliothèques universitaires, de centres enterrés et cachés dans les lieux les plus reculés, ou les plus bourgeois des grandes villes.
L’absence de temps à consacrer à cette littérature, parachève de chasser les non-initiés, de toutes initiatives de réappropriation non-professionnelle de l'étude de la science de notre misère.
La mémoire des sans grades, des vaincus, ne passionne personne, elle n'a d'intérêt que pour la marquer du sceau du fatum.
Les "pauvres" ont toujours existé nous dit-on, aucune révolte, revendications n'y changera rien, et à trop vouloir changer le monde, nous (les prolétaires) en viendrions toujours à faire en dernière instance, le jeu du totalitarisme.
Quant à la bourgeoisie et ses laquais salariés, ils dictent le pas et sa cadence. Son rythme est celui de la rotation du capital bien sûr, et finalement aucun lieu physique ou symbolique n'y échappe.
Le langage est ainsi modelé, et remodelé au bénéfice de la suppression d'une réalité dans la conscience, il participe ainsi en retour à la structuration du psychisme.
Sans rentrer plus dans le détail concernant la manière dont l'espace total capitaliste organise ses représentations légitimantes, celles qui permettent d'affirmer que : ce qui est réel est vrai, et juste, ceci de tout temps.
Nous savons depuis Marx que les mots dominants sont ceux de la classe dominante, ou ceux d'une classe ou d'une fraction de classe qui orchestre sa montée en puissance.
Il n'est pas obligatoire d'attendre le prochain titre, du dernier sociologue d'Etat pour comprendre, que les mots sont au service des puissants. Le choix de ceux qu'effectue la bourgeoisie ceci jusqu'à la gauche du capital, sont forts médités, ils orientent le terrain des luttes politiques, ils polarisent toutes les demandes de rationalisation, d’explications d'un monde, qui peut paraître «injuste» ou simplement absurde. (y échappons nous nous mêmes ?)
Dans les logiques de pouvoirs ne nous y trompons pas, les mots sont le plus souvent des leurres, des marchandises polysémiques, des armes de guerre qui cherchent à promouvoir des intérêts circonstanciels ou historiques de classes ou de fractions de classes.
Dans cette bataille il y a rarement de l'innovation il suffit simplement de compter sur les simplismes, l'accélération du temps et la promotion patiente de l'oubli.
L'incompréhension, matinée de bêtise touche à son comble quand à la lecture d'un tract d'un «parti anti-capitaliste » il n'est plus choquant de trouver accoler ; fiscalité à anti-capitaliste ou "pour une fiscalité anti-capitaliste".
N'importe quel lecteur sait bien que s'il n'y a plus de capitalisme, il n'y a plus de fiscalité...
Peu importe ! L'oxymore a toujours été la marque de fabrique des apôtres de l'obsolète programme de transition (2). Il ne manque plus que, comme Michel Onfray à faire la promotion d'un capitalisme libertaire.
De « l'argent roi » à la dénonciation des traders, de la financiarisation de l'économie (3) aux salaires « indécents » des grands patrons (4), on prend encore les effets pour la cause. Voilà bien ici, sans abus de langage, la scotomisation à l'oeuvre ou une manipulation grossière.
Nous éviterons l'analyse psychanalytique (pourtant ouverte) pour rester sur le terrain politique et des classes en reprenant un mot fort à la mode en ces temps de disette d'analyse classiste :
Oligarchie ! oligarques nous balance t-on ...
Étymologiquement il s'agit ainsi de la domination d'un petit nombre d'individus, qui de ne définit d'ailleurs pas la nature de celle-ci : de type aristocratique ou technocratique par exemple, ou un peu tout en même temps...quelquefois cette oligarchie pourra-être aussi « mondiale » dans sa version complotiste.
Peut-être peut-on voir dans l'utilisation du mot oligarchie une redéfinition honteuse d'un mot que l'on n'ose plus utiliser, là ou la théorie du prolétariat n'existe plus, et ou l'héritage marxien est considérée comme une scorie du sur-moi. Ce mot c'est celui de bourgoisie(s).
Ceci comme il est de bon ton aussi de parler de néo-libéralisme pour de pas parler de capitalisme.
Le mot néo-libéralisme impose sa réponse sémantique obligatoire; le « capitalisme à visage humain » et régulé, ou l'argent n'est plus « roi » , mais simplement un outil « neutre »(5) et le salariat et l'exploitation se font à la nordique. Ou l'école et la santé ne sont pas des marchandises ce qui implicitement sous-entend que le reste peut l'être.
La dénonciation de la nature d'un pouvoir ceci comme un mantra, ne dit rien des rapports sociaux de production, et le partage « équitable » d'un pouvoir « oligarchique » ou sa démocratisation ne changera pas le problème du pouvoir !
Il ne pose pas sa destruction ou la possibilité d'envisager autrement nos vies. (remise en cause totale et radicale de la division du travail [parce que le sale boulot c'est toujours pour les mêmes] des hiérarchies, des ordres, du commandement, du flicage, de la morale du travail, du productivisme, et de la rentabilité etc....)
On peut se douter que dans la france « républicaine » et « méritocratique » qui a encore trop le sens de la hiérarchie et du décorum, des honneurs et une culture élitiste, quasi holiste, que cette « dénonciation » n'est rien d'autre que la promotion déguisée d'une ouverture plus large ou d'une « démocratisation » de cette oligarchie...
Car cette remise en cause de "l'oligarchie" est essentiellement dénoncée par les clercs oubliés, ostracisés, des journalistes des sous-médias ou de producteurs de la contre-culture marchande qui pense l'autonomie de l'information, de la formation et la culture, possible dans un monde régie par la loi profit, et de celle de la valeur.
On ne s'étonnera finalement pas que le dernier extrémiste social-radical-démocrate du moment nous fasse finalement la promotion d'une oligarchie démocratico-méritocratique. Il ne s'agirait donc que d'une crise des élites, rien de plus ! et c'est bien le sens et l'objectif de l'emploi de ce mot.
C'est donc bien la faute des" riches"...des "oligarques" ...de ce club ou think tank particulier ....vous ne saurez rien du rapport social capitaliste, de l'exploitation, de quelle manière fonctionne le capitalisme et sa reproduction...c'est simplement et uniquement la faute des patrons grassement payés du cac40, suivez votre chemin. Alors qu'on pourrait payer 1600 "personnes" au smic avec son salaire !!? voilà la solution ! (bonjour le salaire ! de merde ...pour quel boulot de chiotte ?!)
L'aliénation, le déterminisme, la sociologie des groupes, la défense d'intérêts de leur classe ? Rien. !...LA, LES bourgeoisies comme groupes (bourgeoisies nationales ou transnationales) détentrices de l'appareil de production ? encore rien...Attention, n'oubliez pas ! ce qui est indécent c'est leurs salaires ! Et qu'ils sont LOL-IGARCHIE ! Pas pourquoi ils ont ce type de salaires, pourquoi il y a encore du salaire ! de l'exploitation ! de la production de choses inutiles à nos vies. Pourquoi la richesse s'accumule d'un coté et la misère de l'autre ? Qu'est-ce que l'armée de réserve du capitalisme ? Pourquoi y a-t-il une crise du modèle productif ?
Qui parle ? Et d'où ! pourquoi le vocabulaire s'appauvrit et pourquoi tels mots sont employés ?
Que devons-nous vraiment transformer pour que les choses changent vraiment ? Pourquoi ne nous défendrions-nous pas comme classe ?
Considérer les rapports sociaux de production, de classes et de sexes, c'est réhabiliter la complexité de l'analyse et refuser les faux ennemis, et les contre-feux simplistes de la fumeuse oligarchie.
1 Qui contrôle le passé contrôle l'avenir disait Aldous Huxley dans Le meilleur des mondes .
2 Voir Trotsky et son programme de transition que nous pouvons qualifier de programme de transition vers la social-démocratie. 3 La financiarisation est le coté pile d'une pièce dont l'industrie est le coté face.
4 Nous de dédouanons personnes de ses responsabilités.
5 L'argent n'a bien sûr rien de neutre. Il est la dernière (avant la prochaine) manifestation de la contradiction du monde dans lequel nous sommes. Il est a détruire avec sa logique mortifère.