Affichage des articles dont le libellé est Anton Pannekoek. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Anton Pannekoek. Afficher tous les articles

jeudi 31 octobre 2019

ANTON PANNEKOEK : Marxisme et darwinisme,Traduction de Philippe BOURRINET (Parution)

ANTON PANNEKOEK
Marxisme et darwinisme
2e édition 1914, Verlag der Leipziger Buchdruckerei Aktiengesellschaft
Leipzig

Traduction de l’allemand, édition et notes (octobre 2019) : Philippe BOURRINET


Sur le site du traducteur


dimanche 20 janvier 2019

Quelques réflexions sur : Les cinq thèses sur la lutte des classes de Anton PANNEKOEK

Quelques réflexions sur
Les cinq thèses sur la lutte des classes de
Anton PANNEKOEK





Bref historique

Comme l’indique la revue Recherches Libertaires N° 3 (1967) ces thèses d’Anton Pannekoek ont comme titre complet “Cinq thèses sur la lutte de la classe ouvrière contre le capitalisme”. Elles ont été écrites après la guerre. Elles furent traduites d’après le texte anglais publié par “Southerne advocate for Workers Councils” (n° 33, mai 1947 et réimprimées ensuite dans le n° 40 décembre en 1947). La revue Recherches Libertaires avait repris elle-même ce texte du n° 2 des cahiers de discussions pour le socialisme de conseils de mars 1963. Elles furent de nouveau diffusées par la revue Spartacus N° 100 - (R12) de décembre 1978. (Version disponible ci-dessous)

Si globalement ces thèses peuvent encore globalement résonner dans le courant communiste des conseils et ceci 70 ans sa première publication, il n’est pas sans nous poser quelques problèmes pour autant. Le travail du temps nous aura permis de dégager deux critiques qui peuvent même paraitre banales.

Contrôler la production ?

Comme l’indique Pannekoek dans sa thèse n° 3L'objectif de la classe ouvrière est de s'affranchir de l'exploitation” mais cet objectif ne passe-t-il que et simplement par le fait que les “ouvriers eux-mêmes deviennent maitres de la production” ?

Si le produire et le que produire passe chez Pannekoek par la “production planifiée” et une certaine forme de centralisme assez discutable, ceci pour devenir “maitre de la production” nous sommes obligés de constater qu’il ne dit rien dans ce texte de ce que deviendront au moins immédiatement les nouvelles relations sociales de production, à savoir comment et pourquoi disparaitront les hiérarchies, les techniciens, la spécialisation et la technique hérités du monde de production capitaliste. Son optique “transitionniste” qu'il pense difficile mais linéaire, débouche finalement sur une acceptation (selon lui) de la part du prolétariat, de la rotation des tâches de manière bien comprise. Mais de manière générale il n'entrevoit donc pas la disparation dans l'immédiat de l'entreprise-usine inutile (au-delà de la concentration) et les conséquences sur le comment produire. En revanche comme Pannekoek nous ne pensons pas que nous mangerons des principes ou des idées…

Le “conseillisme” de Pannekoek ne se résume-t-il pas finalement que par le fait que “tous ceux qui prennent part à la production, décide” ? Et que ceux qui “travail doivent aussi en avoir la direction, en prendre la responsabilité, dans les limites de l'ensemble”.

Que les délégués des conseils soient “révocables à tout moment” n’indique rien sur le "but" communiste qui s’apparente étrangement dans les thèses à une forme d’auto-gestionnisme c’est-à-dire l’idéologie de l’autogestion.

La “deuxième fonction” des partis

Pannekoek est un critique impitoyable du Parti et du Parti-État, mais pour lui une “deuxième fonction” incombe selon lui “aux partis” c’est-à-dire au pluriel et donc, dans un sens pluraliste et démocratique non-bourgeois et qui peut être entendu comme l’organisation des travailleurs au sens large et regroupés par affinités politiques.

Nous sommes tentés d'interroger cette scission théorie/pratique - politique/économique que garde Pannekoek et qui pose d’un côté cette “deuxième fonction” celle des organisations/partis dont l'objectif “indispensable” consiste d’après lui à “éclairer l'esprit des masses”, et à “construire la force spirituelle” qu’il distingue des Conseils Ouvriers dont le but est “l'action pratique, de la lutte de la classe ouvrière”, “Organes de production”.

Au-delà de la terminologie de son époque il est indéniable que cette option politique pérennise encore une certaine forme d’avant-gardisme et intègre une problématique dualiste ou séparée de l’activité révolutionnaire, probablement due à sa propre praxis de scientifique, d’intellectuel. Cette séparation il faut le constater contre Pannekoek n’a rien à voir avec l’auto-praxis prolétaire.

L'extériorité de Pannekoek lui fait acter cette nécessité théorisante dont le fondement se trouve d’ailleurs hors de à sa propre personne mais dans la société de classes, autrement dit dans la spécialisation imposée par l’extraction de plus-value relative.

Si l’aliénation dans le travail est au cœur de la réflexion de Pannekoek, on se doit également de constater qu’il n’interroge pas le processus d’objectivation du travail [1] même dans son ordre des Conseils. C’est pourquoi il peut affirmer que “La lutte révolutionnaire pour la domination de la société devient alors une lutte pour la gestion des usines, et les Conseils Ouvriers, organes de lutte sont transformés du même coup en organes de production”.

Mais que deviennent alors les partis ou les organisations qui se sont chargés d' “éclairer l'esprit des masses” ? Cette question n’est pas abordée par Pannekoek mais ne sont-ils pas tentés de devenir LE Parti qu’il dénonce ? De ces types de Partis qui veulent transformer les prolétaires en “troupeaux de moutons” et qu’il combat et critique au début de la thèse 4 ?

De ces courtes interrogations on peut se rendre compte à la fois des quelques limites et des contradictions de certaines thèses.

Elles sont essentiellement liées aux rapports de production marchand et la totalité des représentations qu’elles structurent dans le réel dans lequel nous sommes embourbés. Mais nous pourrions relever également l’absence d’une définition nécessaire de ce que n’est pas le communisme chez Pannekoek et qui reste toujours à faire.

La contradiction comme potentialité


Sans révolution et donc abolition de la société de classe, l'antithèse entre organisation et spontanéité, praxis et théorie perdureront c’est certain. Mais un temps la contradiction fut théorisée non comme potentialité mais comme manque, notamment dans le léninisme et ses avatars qui ont cru que la question de la conscience par exemple, pouvait se régler de manière transcendante c’est-à-dire grâce à une intervention, ou un apport de l'extérieur (celle de la petite bourgeoisie intellectuelle) et même grâce à une médiation supérieure au mouvement lui-même c’est-à-dire le Parti. L’époque et sa violence, la sociologie militante et le degré de sous-instruction peuvent-ils à eux seuls expliquer la prise de position léninienne qui fut partagée par bien des courants ? (Des populistes Russes aux Bakouninistes [2] ).

L’Adresse inaugurale et des statuts provisoires (Provisional rules) de L’AIT (Association internationale des travailleurs) qui affirmait déjà que « l'émancipation des travailleurs doit être l'œuvre des travailleurs eux-mêmes » n’est-elle pas une déclaration impérative d’immanence (trouvant son principe en lui-même) que devait prendre le mouvement prolétarien ?

Même si les courants révolutionnaires antiautoritaires y ont toujours été attentifs, ils n’ont finalement su que se positionner par rapport à la révolution Russe et au léninisme et sa pseudo-réussite “dans un seul pays”. Le poids de la contrerévolution stalinienne n’a pu que générer une attitude essentiellement réactive-négative. Car enfin il n’y a pas d'extériorité ou de médiation supérieure pour les prolétaires révolutionnaires.

Il n’y a pas de réconciliation à rechercher ou de lien à institutionnaliser entre praxis et théorie, que les critiques du léninisme (ultragauche ou anarchiste) ont voulu soit résoudre de manière formelle et théorique grâce à l'organisation même groupusculaire ou par un activisme démiurgique de la conscience à la tonalité structurale et mécaniste.

Il n’y a de la potentialité que dans la contradiction. Tout ceci a finalement évacué toute théorie de l’auto-conscience et par là même le but même que peuvent se donner les prolétaires à savoir le communisme. En définitive c'est une philosophie unitaire de la praxis qui a été abandonnée.

 Le débat entre organisation et spontanéité

Le prolétariat tente laborieusement et au prix le plus fort, d’unifier à chaque instant et à sa manière la théorie de sa pratique et la pratique de sa théorie grâce/dans son auto-organisation et à des formes considérées comme spontanées. Ceci rend donc d’après nous le débat entre organisation et spontanéité obsolète, même s’il est pensé contradictoirement et qu’il est vécu comme déchirée. Bien sûr elle ne s’affiche pas au journal télévisé ce qui rend tout cela sourd et même inexistant.

Il ne peut donc pas y avoir d’organisation séparée. Le parti (même au sens de Pannekoek) d’un côté et les Conseils ouvriers de l’autre. Il s’agit donc de critiquer le lien possible qui serait à instituer ou à théoriser entre Organisation et Conseils.

Car ceux qui bouleverseront le monde le penseront nécessairement et dialectiquement. Ils s'organisent déjà sans que rien ne soit obligatoirement inscrit ou inéluctable.


Renvoyer dos à dos le théoricisme (théorie théorisante) et le praxeo-centrisme (activité parcellaire limitée à de l’agitation, au mouvement, le plus souvent au suivisme) comme séparées et contradictoires peut paraitre assez convenu. Il l’est moins à notre avis de l'affirmer plutôt comme une marque d’une extériorité de classe de la part de ceux qui l’alimentent comme un racket ou une profession. On ne peut pas se désespérer du déchirement, de théoriser nos actions ou de mettre en œuvre nos réflexions. Il s’agit donc de rediscuter ici de l’individu historique et d’être générique, pour évacuer tout nécessitarisme pacificateur d'origine exégétique ou de l'épuisement subjectiviste.

Le prolétaire n’est en rien contraint de faire historiquement ce qu’il n’acte pas consciemment.

Quand les antinomies s'affirment d’une manière privilégiée c'est l'extériorité qui s'affiche. Car le communiste ne se demande pas si son action est trop ou pas assez “théorique”, trop ou peu pas assez “pratique”. Il œuvre simplement comme il le peut pour la dissolution de la société existante et comprend qu'une solution extérieure n’existe pas. Qu'elle sera forcément consciente et organisée et débarrassée des chantages politiciens, des spécialistes de la théorie, de la pratique ou de l'organisation.


NOTES

[1]. Qu'il naturalise d'une certaine manière son ouvrage les Conseils ouvriers ; “Le travail en lui-même n'est pas rebutant en soi”.

[2]. Voir L’idéologie froide de Kostas Papaïoannou.



vendredi 11 janvier 2019

La conception de la conscience de classe dans la Gauche marxiste hollandaise - Matériaux pour une émission (23)

La conception de la conscience de classe 
dans la Gauche marxiste hollandaise

Le prolétariat, pour la Gauche marxiste, ne trouve pas sa propre puissance uniquement dans son nombre (concentration) et son importance économique. Il devient une classe pour lui-même (en soi et pour soi) dès le moment où il prend conscience non seulement de sa force, mais de ses intérêts et buts propres. C’est la conscience qui donne à la classe ouvrière une existence propre. Toute conscience est d’abord conscience de soi :


Ce n’est que grâce à sa conscience de classe que le grand nombre se transforme en nombre pour la classe elle-même et que cette dernière parvient à saisir qu’elle est indispensable à la production; c’est uniquement grâce à elle que le prolétariat peut satisfaire ses intérêts, atteindre ses buts. Seule la conscience de classe permet à ce corps mort, immense et musculeux d’accéder à l’existence et d’être capable d’action (285).

De façon classique, dans le mouvement marxiste, Pannekoek et le courant de la Gauche hollandaise analysaient les différents degrés de conscience de classe, dans leur dimension historique. Au départ, il n’y a pas de conscience de classe achevée, ou de conscience «adjugée», pour reprendre la formulation de Lukacs (286) – telle qu’elle serait conditionnellement et idéalement si elle était parvenue à maturité, La forme primitive de la conscience de classe, indispensable à la lutte, se trouve dans «l’instinct des masses» ou «l’instinct de classe». Tout en montrant que cet instinct – lorsqu’il se manifeste dans l’action spontanée – est un «agir déterminé par le sentir immédiat, par opposition à l’agir fondé sur une réflexion intelligente», Pannekoek soutenait que
L’instinct des masses est le levier du développement politique et révolutionnaire de l’humanité (287).
De façon quelque peu sorélienne, cette aporie avait l’apparence d’une glorification du «sûr instinct de classe». Il n’en était rien en réalité. Pour Pannekoek cet instinct était la «conscience de classe immédiate», non encore parvenue à sa forme politique et socialiste. Dans sa polémique contre les révisionnistes kautskystes, à propos des actions spontanées des masses, il était fréquent pour la Gauche hollandaise de souligner le «sain et sûr» instinct de classe. Celui-ci était en réalité l’intérêt de classe des ouvriers, paralysé par les appareils bureaucratisés des syndicats et du parti.

Le marxisme hollandais est souvent assimilé au courant spontanéiste (288), en particulier à un prétendu «luxembourgisme» qui aurait osé substituer la «spontanéité des masses » au «culte de l’organisation», dont Lénine aurait été le grand prêtre. Rien de tel, pourtant. Rosa Luxemburg, dans son grand texte Grèves de masse, parti et syndicats, assimile instinct des masses (stade préconscient) et spontanéité. Pour elle, la grève de janvier 1905 en Russie prit «une forme non pas délibérée, mais instinctive et spontanée» (289). La spontanéité correspond d’ailleurs non à une immaturité de la lutte prolétarienne, mais à un manque d’expérience, et peut être aussi bien un accélérateur qu’un frein :


Si l’élément spontané joue un rôle aussi important dans les grèves de masses en Russie, ce n’est pas parce que le prolétariat russe est «inéduqué», mais parce que les révolutions ne s’apprennent pas à l’école… L’élément spontané joue un grand rôle dans toutes les grèves de masse en Russie, soit comme élément moteur, soit comme frein (290).

Comme le but socialiste ne peut être que le renversement du capitalisme, il est indispensable, selon Rosa Luxemburg, que de la spontanéité naisse l’organisation de classe du prolétariat :

L’évolution dialectique vivante… fait naître l’organisation comme un produit de la lutte. Nous avons déjà vu un magnifique exemple de ce phénomène en Russie où un prolétariat quasi inorganisé a commencé à créer en un an et demi de luttes révolutionnaires tumultueuses un vaste réseau d’organisations (291).

On ne trouvera chez Rosa Luxemburg comme chez les marxistes hollandais aucun culte de la «spontanéité» en soi. Pour Gorter, Pannekoek, et plus tard pour le KAPD, ce qui était décisif ne n’était pas la «spontanéité en soi, mais l’autodéveloppement de la conscience de classe (Selbstbewusstseinsprozess). En effet, la conscience de classe n’a rien de «spontané». Elle n’est pas plus une «mystique» de l’action spontanée, toujours présente dans le cerveau de chaque ouvrier, qu’un «inconscient collectif» prêt à jaillir soudainement et périodiquement comme un torrent de lave en suivant les lois de la tectonique et non plus celles toutes sociales insérées dans l’histoire de la lutte entre les classes.

Soulignant que cette conscience de classe n’était ni une psychologie sociale de groupe ni une conscience individuelle, le marxisme hollandais donnait une définition très éloignée du «spontanéisme». Pour lui, la conscience dans le prolétariat est et sera toujours une volonté collective, organisée comme un corps. Son enveloppe nécessaire, c’est l’organisation qui donne unité et cohésion à la classe exploitée :


L’organisation rassemble dans un cadre unique des individus qui auparavant se trouvaient atomisés. Avant l’organisation, la volonté de chacun s’orientait indépendamment de tous les autres, L’organisation, cela signifie l’unité de toutes les volontés individuelles agissant dans la même direction. Aussi longtemps que les différents atomes s’orientent en tous sens, ils se neutralisent les uns les autres, et l’addition de leurs actions est égale à zéro (292).

Cette conscience n’est pas un pur reflet des luttes économiques du prolétariat. Elle revêt une forme politique, dont l’expression la plus haute et la plus élaborée, est la théorie socialiste, qui permet au prolétariat de dépasser le stade «instinctif» et encore inconscient de la lutte pour atteindre le stade de l’action consciente, régie par la finalité communiste :  
C’est la mise en œuvre de la théorie, foncièrement scientifique du socialisme, qui contribuera le plus tant à donner au mouvement un cours tranquille et sûr qu’à le transformer d’instinct inconscient en acte conscient des hommes (293). 

À cette organisation et à cette théorie, qu’il nomme parfois «savoir», Pannekoek ajoutait la discipline librement consentie comme ciment de la conscience.

Comme on le voit, cette conception de la Gauche marxiste hollandaise était aux antipodes de celle de Lénine exprimée dans «Que faire ?», selon laquelle la conscience était injectée de l’extérieur par des «intellectuels bourgeois» (294). Elle divergeait tout autant du courant spontanéiste antiorganisation et antipolitique. Il ne faisait aucun doute pour la Gauche hollandaise que la conscience de classe avait deux dimensions indissociables : la profondeur théorique du «savoir» accumulé par l’expérience historique, et son étendue dans la masse. Pour cette raison, les marxistes hollandais et allemands soulignèrent l’importance décisive des grèves de masses, à la fois «spontanées» et «organisées», pour le développement massif de la conscience de classe.

Cette position était en fait dans le droit fil de la théorie de Marx sur la «conscience communiste» (295). Après 1905 et la première révolution russe, contrairement aux apparences, elle différait peu de celle de Lénine, qui à cette époque écrivait que «instinct de classe», «spontanéité» et éducation socialiste du prolétariat étaient indissociablement liés :
La classe ouvrière est instinctivement, spontanément socialiste et plus de 10 ans de travail de la social-démocratie ont fait beaucoup pour transformer cette spontanéité en conscience (296).
Dans la Gauche marxiste d’avant 1914, il y avait encore une convergence réelle dans l’appréhension de la question de la conscience de classe. 


NOTES
284 Pannekoek 1906b, p. 21. 285 Pannekoek 1909a, cité par Bricianer 1969, p. 56. 
286 Lukacs 1960, p. 73. 
287 Pannekoek, «Der Instinkt der Massen», in Bremer Bürgerzeitung, republié in Bock 1975, p. 137-140. 
288 On trouvera une définition édifiante du spontanéisme, toute pétrie de réaction bourgeoise post-Mai 1968, donnée par le Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL, Nancy). On y apprend que Rosa Luxemburg est identique à Bakounine et qu’elle fut clouée au pilori par Lénine. Le spontanéisme relèverait en fait de la «loi anticasseurs» pour s’attaquer aux institutions établies : «Théorie développée par Bakounine et Rosa Luxembourg, critiquée par Lénine, selon laquelle le mouvement révolutionnaire se développe spontanément, sans avoir à passer par les organisations politiques, administratives, industrielles et syndicales. Dénoncer le spontanéisme (sic)». L’article donne comme exemple le «spontanéisme» des mao-staliniens : «Les gauchistes (...) étaient décidés à (...) célébrer dignement ceux qui, pour eux, ont inventé le spontanéisme. À l’École normale supérieure, ils cassèrent donc les meubles (L’Express, 29 mars 1971, p. 46, col. 3)» [Souligné par nous]. 
289 R. Luxemburg, op. cit. 
290 R. Luxemburg, op. cit. 
291 R. Luxemburg, op. cit.149 
292 Pannekoek, «Massenaktion und Revolution», Die Neue Zeit, vol. 30, 1911-1912, n° 2, p. 541-550; 585-593; 609-616 (Reprint : Grünenberg 1970). 293 Pannekoek 1909a, cité par Bricianer 1969, p. 98. 294 «L'histoire de tous les pays atteste que, par ses seules forces, la classe ouvrière ne peut arriver qu'à la conscience trade-unioniste, c'està-dire à la conviction qu'il faut s'unir en syndicats, mener la lutte contre le patronat, réclamer du gouvernement telles ou telles lois nécessaires aux ouvriers, etc. Quant à la doctrine socialiste, elle est née des théories philosophiques, historiques, économiques élaborées par les représentants instruits des classes possédantes, par les intellectuels», in Que Faire, 1903, chap. II.
 295 Marx donne dans l’Idéologie allemande cette définition de la «conscience communiste» : «Pour produire massivement cette conscience communiste, aussi bien que pour faire triompher la cause elle-même, il faut une transformation qui touche la masse des hommes, laquelle ne peut s’opérer que dans un mouvement pratique, dans une révolution». Et Marx d’ajouter : la classe ouvrière est une classe «d’où émane la conscience de la nécessité d’une révolution en profondeur, la conscience communiste» («La Pléiade», Marx, Œuvres 3, p. 1122-23). 
296 Lénine 1961.

EXTRAIT DE

LA GAUCHE COMMUNISTE  GERMANO-HOLLANDAISE  DES ORIGINES À 1968
(3e édition entièrement révisée et augmentée)  / PHILIPPE BOURRINET
p. 147-149

vendredi 25 novembre 2011

Darwinisme et marxisme par Anton Pannekoek

Les éditions ARKHE feront paraître en janvier 2012 : Darwinisme et marxisme d'Anton Pannekoek. (avec une préface de Patrick Tort)

PRESENTATION DE L'EDITEUR

Au cours de l'année 1909, l'astronome et astrophysicien révolutionnaire hollandais Anton Pannekoek (1873-1960), à l'occasion du centenaire de la naissance de Charles Darwin (1809-1882), publie un essai intitulé Darwinisme et Marxisme. Ce spécialiste reconnu des révolutions cosmiques y interroge la plus grande révolution biologique du XIXe siècle pour tester sa relation possible avec la révolution politique placée par Marx à l'horizon du processus historique. Ce faisant, il affronte un héritage : celui d'une intuition critique de Marx, inscrite dans une lettre à Engels du 18 juin 1862, selon laquelle, en dépit de l'intérêt manifeste qu'offre chez lui un matérialisme naturaliste apte à servir de socle au matérialisme historique, Darwin n'aurait fait en définitive que projeter sur la nature le schéma social de lutte concurrentielle qu'il avait emprunté à Malthus -, ce qui pouvait lui permettre en retour de naturaliser ad aeternum la structure même de la société capitaliste. Les positions anti-malthusiennes exprimées par Darwin en 1871 dans La Filiation de l'Homme donneront tort à Marx, qui a cédé trop tôt au devoir militant de combattre certains "darwinistes bourgeois", et qui ne pouvait en tout état de cause avoir lu en 1862 l'ouvrage au sein duquel Darwin allait exposer ouvertement sa théorie du dépérissement de la sélection éliminatoire au profit des conduites bienfaisantes, coopératives et altruistes dont s'accompagne l'extension indéfinie du processus de civilisation. Pannekoek, lui, a lu La Filiation. Comme il a lu, à l'opposé, Spencer, véritable inventeur de ce que l'on nommera plus tard, malencontreusement, le "darwinisme social". Il en résulte l'idée que Darwin et les "darwinistes sociaux", ce n'est pas la même chose. Et que darwinisme et marxisme ne sont plus incompatibles, mais, effectivement, complémentaires, à condition de pouvoir penser, entre l'histoire de la nature et l'histoire des sociétés, le recouvrement partiel des échelles temporelles et la combinaison connexe des tendances évolutives. Au coeur de cette problématique fondamentale, Patrick Tort, explique, dans son introduction et ses commentaires intercalés, l'intérêt, les enjeux et les limites du travail effectué par Pannekoek autour de ces questions majeures de la pensée contemporaine, et propose des clés pour mieux les comprendre.

ARKHE EDITIONS 280p. ISBN-13: 978-2918682165