mercredi 24 août 2016

Considérations diverses sur une fracture impossible à négocier

Considérations diverses sur une fracture 
impossible à négocier *


Parfois il y a des analyses qui sortent des chapeaux. Des toutes faites. Des pratiques, des qui se croient efficaces parce qu’elles se terminent par le mot classe. La frontière est ténue entre le sociologisme misérabiliste qui donne une explication pour toutes les conneries que nous pourrions débiter sous prétexte qu’on est d’extraction prolétaire, et le déterminisme mécaniste pacificateur qui côtoie bien trop souvent une vision du monde apologétique.

La bêtise traverse les classes. On l’oublie trop souvent pour se le cacher et s’éviter de trop réfléchir. Cela s’excuse quelques fois, mais à trop persister il faut trouver cela suspect et même dangereux pour sa santé mentale.

Ainsi un point de vue de classe n’est pas un point de vue moral. La conscience de classe n’est pas plus une prise de conscience indignée le soir chez soi face au dernier film de Ken Loach (nous y reviendrons dans une prochaine émission) et qui ressemble étrangement à un prurit politique qui se soigne toujours ces dernières années avec des mêmes potions à base de rebellitude stationnaire en .fr

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“La lutte c’est classe” l’autocollant sur le poteau électrique au jeu de mot à priori sympathique semble dévitalisé par sa propre esthétique. Le mot classe est comme invisibilisé par le mot lutte qui lui même n’a plus d’importance….tout semble comme vidé par l'agencement des formes et des couleurs. Cette “affaire” de stickers est tout simplement classieussieuse.

Il y a toujours quelque moyen de ne plus parler de classe, plus particulièrement des prolétaires: en faire des tas sur la classe sans préciser fondamentalement laquelle, les enjeux, ou ne point en parler du tout.

Il est aussi possible de noyer les choses sous une certaine scientificité phénoménologisante comme forme d’invisibilisation c’est à dire par la neutralité axiologique. Toujours en s’étalant le moins possible sur le lieu d'où l’on parle (sa position sociale), et quelques fois en disant ou en en faisant trop pour éviter de creuser les dossiers qui fâchent.

Les sujets qui fâchent il y en a décidément trop ces derniers temps et au fur et à mesure que les années passent les aspérités politiques s’accumulent et deviennent trop rugueuses pour être lissées par les fameuses luttes qui n’en finissent jamais de converger.

Rien de véritablement nouveau paraît-il et c’est bien possible, mais l’impression de saturation est à son comble ces dernières années (en ce qui nous concerne). Les nouvelles problématiques du gauchisme stalinisé, tiersmondisé, croisent bien trop à notre goût certaines thématiques convivialistes et straight edge.

Il s’agit selon notre interprétation d’une énième défense de “L'Être” censé combattre “l’avoir”, l’utilitarisme, le “matérialisme”, l’inauthentique, et de déplacer tout paradigme de lutte frontale de classe contre le capital vers une pratique morale ; celle de l’individu vertueux, collaborant à l’aménagement de certains espaces “libérés” de l’argent. Cultivant bien sûr son spécialisme de ce qui l’opprime plus spécifiquement, ou qu’il pense être l’agent premier ou le mèchanè (2) du monde bien trop “moderne” pour lui.

Ce refus de la “modernité” est bien trop souvent une simple caricature en négatif d’une “post-modernité”. Elle apporte néanmoins, et on le constate aussi sociologiquement, une réponse sociale intégratrice pour ces “acteurs”.

Mais la chaloupe des mono-maniaques et des névrosés en politique semble bien pleine et son symptôme le plus saillant est bien celui de l’explication monocausale d’un monde en mutation et bien trop souvent incompréhensible (?).

Il ne s’agit pas de se situer par rapport à des positions prises séparément car c’est en s'agençant, le plus souvent, en s’accumulant ou en s’exposant, que se catalyse une véritable conception du monde plutôt incroyable.

Si on ne peut pas tenir compte de ce que disent les autocollants sur eux –mêmes, il en va de même avec les étiquettes de libertaires, anarchistes, ou de toutes les variétés de marxistes critiques de chairs ou pas, qui se collent si aisément sur le dernier réverbère marqué par de vieilles urines spiritualistes. (1) Une victoire du “paraître”?

Ce qu’ils disent, ce qui se diffuse jusque dans les luttes et la réflexion politique, est bien le fruit pourri de la décomposition du stalinisme et de la gauche “morale” ou de ses avatars. Dont les enfants honteusement coupables ont été fortement imprégnés des fables du démocratisme, et de l’esprit religieux sécularisé.

L’abandon de la problématique de classe en lutte (et pas comme concept sociologique) n’est pas étrangère à l’affaire comme une certaine conception de la politique politicienne structurée par les compromissions et ses mensonges, les échecs, les désillusions des combats collectifs, la fatigue et la répression, mais aussi bien sûr la logique du pouvoir... même symbolique. Que l’on chasse par la porte grande ouverte de l’hypocrisie pour qu’il revienne finalement par la fenêtre.

On ne fait plus que pragmatiser sa participation et qu’intersectionnaliser les problèmes pour ne plus rien souhaiter d’impossible, d'improbable.

Le dépassement n’est plus la ligne d’horizon. Les projets bien souvent haineux consistent à sur-personnifier les problèmes ou à politiser les malaises.

Et quand certains semblent rechercher une articulation à des déterminations de tous ordres (et pas d’autres étrangement...) en feignant la totalité (fausse totalité), ils débouchent finalement sur la désarticulation.

L’intersectionnalité par exemple, n’a pour le moment produit aucune ligne “politique intersectionnelle” ou un “coeur” de rencontre des “oppressions” si ce n’est de la pondération plate et de la fragmentation concurrentielle. Il n’y a qu’à constater le nombre de chapelles et le genre de métaphysique éthologique où l’on excelle à buscar la quinta pata al gato. (2)

On est toujours en retard d’une “oppression” à articuler ou à empiler. Les “luttes” ne seront pas les lieux du dépassement tant qu’une perspective révolutionnaire globale ne sera pas dégagée des vieilles cagettes conceptuelles, ou tant que les acteurs des luttes sociales n'imposeront pas leurs véritables besoins ; c’est-à-dire ceux dictés par les nécessités.

Le cœur du monde marchand : la marchandise et sa reproduction, ne semble d’ailleurs jamais véritablement intéresser les possibilistes du benchmarking politique.

Quand cette question est véritablement prise au sérieux - cela n'excède jamais quelques instants- cela se fait toujours au détriment de la question de classe qui semble finalement toujours relativisée par rapport à d’autres dans cette recherche de mesure-radicale dévitalisante.

Pourquoi ?

Parce-que cette la question de classe est bien sûr essentielle dans le débat, et parce qu’elle concerne ceux qui produisent et monopolisent le débat par leur position à l’intérieur d’une société...de classes.

Parce que le propre d’une classe ascendante (et en puissance) consciente de ses intérêts et de la reproduction/promotion d’elle-même, et dont l’optique n’est que de reproduire le réel existant, a toujours tendance à métonymiser (4) sa propre problématique ; c’est-à-dire ses intérêts. Stratégiquement ou inconsciemment.

Au fond, l’enjeu véritable est de lobbyiser le plus possible la question sociale afin de territorialiser les enjeux sur des thématiques ethno-culturalistes (5) et esthétiques qui sont et restent les plus digestes pour la valeur, et réciproquement. Dont les enjeux restent très forts symboliquement.

“L’entreprise” militante spécialisée comme moyen et fin est la conséquence de la séparation imposée par le capital qui assigne aussi son ordre aux pratiques dans un cadre préétabli. Ceci au-delà de l’éclatement accéléré des champs de connaissances (6).

Comme l'écrivait Paul Mattick, « il y aura antithèse entre l'organisation et la spontanéité tant que se perpétueront et la société de classe, et les tentatives de l'abattre »

Cela questionne indéniablement une théorie de la connaissance dans une optique révolutionnaire, plus particulièrement dans la relation à l’Objet (comme compréhension du réel et possibilité de le changer) et, bien sûr, au(x) Sujet(s) c’est à dire les acteurs agissant(s) dans un monde de déterminations.

Il nous semble que le propre des structures partisanes soit d’organiser des formes d’oubli par la ritualisation, la cohésion et, d’une certaine manière, sa propre intégration au tout social. Dont elles tirent leurs cohérences et leurs raisons d’être.

Occuper, actionner les bras et gérer les rages. Dealer politiquement jusqu’à l’étourdissement les frustrations du moment ou celles de l'éternelle attente c’est, n’en doutons pas, leur fonction principale.

Mais pouvons nous ne pas ne pas réagir contre les coups qui nous sont portés quotidiennement ?

Pour cela, nous comptons sur le travail du négatif ; c’est-à-dire le dépassement. Pas seulement au sens hégélien mais aussi au niveau de ce que nous ne voulons pas et plus. Mais tout cela n’est pas possible sans une perspective la plus claire possible.

Le problème c’est que ce que nous voulons pas et plus s'immisce par capillarité, suivisme, bêtise, copinages, twittages, attaques ad-hominen, inculture politique, stratégisme à douze bandes, et peurs diverses comme celles de perdre son bizness de militant spécialiste reconnu, ou pas, dans les sphères libertaires et anti-autoritaires au sens large.

Ainsi : L’anarcho-bourdieusien-pédagogue pleurnicheur, décroissant fétichiste coupable et volontaire conférencier moraliste qui disserte sur A. de Benoist et M.Onfray, bobo anti-tech qui défend la famille bio et la position du missionnaire équitable, qui se découvre racialiste (c’est vrai quoi les “races existent” les “races-sociales” aussi….) et théo-compatible (qui ne lit plus Bakounine), radicalement anti-fa pour le NPA au 1er tour et Juppé au second, anti-islamophobe obsédé par le“sionisme”, sans maître (sauf les spécialistes de la question) ni Dieu dont il faut quand même débattre avec le PIR. Anti-sexiste mais copain avec avec Houria B. Communiste-libertaire lecteur (trice aussi) complaisant du nationaliste Michéa. Anti-impérialiste ultra-gauche défenseur du CNR et éternel pourfendeur du “libéralisme libertaire”, féministe queer libertaire-Friotiste au CNRS pour le voile syndical et l’ouverture des maisons virilistes et closes avec l’argent que l’on taxera au 1%, de l’Oligarchie, supporter….de Varoufakis #nuitdeboutiste Autonome pour la semaine des 32h , Appelliste qui bat sa coulpe d’occidental suprématiste décadent à la foultitude d’ego- tweets et bourré de Like-ami(es), défenseur de “la terre mère” zapatiste et du droit des peuples à se faire exploiter par leur propre bourgeoisie “ethniquement dominante”, dans les communes épicières autogérées par des “blancs privilégiés” et inspirées par la doxa du Bookchin du PKK et la drogue c’est pas bien…sauf les chemtrails qui disparaissent à cause du complot de la valeur et des racailles de banlieue qui ne lisent pas la langue de la révolution dans le texte (l’allemand!) sur les estrades des amphis peuplés de docteurs en luxembourgisme Débord-ants d’érotisme révolutionnaire narcissique pour les résistants décolonialistes du Hamas spectateur des Fakirs-studies coiffés d’un bonnet rouge de l’iRA véritable ami de l'insurrection qui feint la promotion des syndicats de la police des comportements de la main-d’oeuvres des pièces choisies par la Fabrique de la bêtise Échappée d’un Lieu Dit Lordon obéissant au CCIF pendant l'État d’Urgence etc....

Portrait type ou caricature outrancière ? Nous n’avions jamais constaté autant de purée dans les casseroles froides du milieu dit “radical -GO” !

Serions-nous sectaires ? Qu’on nous évite le speech sur : La vérité, la pureté, le révolutionnarisme ou de la radicalité. En revanche nous sommes tout à fait prêts à parler de cohérence.

Si à quelques-uns nous conseillons d’aller planter des patates, pour d’autres cette ligne de fracture nous paraît suffisamment profonde pour qu’elle fasse rupture avec ceux qui se sentent concernés.


Pour une perspective révolutionnaire communiste.


NOTE


* Nous ne nous cachons pas derrière différents pseudos, des faux comptes/profils et ne publions rien anonymement nous assumons nos positions politiques publiquement. Nous n'avons rien à perdre ni respectabilité ni boutique à faire tourner.

(1) Ce qui ne nous empêche pas d’avoir de l’esprit ! ou de défendre une certaine spiritualité entendue comme recherche de la vie bonne.
(2 ) La mèchanè était une grue utilisée dans le théâtre grec antique, en particulier aux Ve siècle av. J.-C. et IVe siècle av. J.-C.
(3) Chercher la cinquième patte au chat
(4) Néologisme : prendre une parti pour le tout.
(5) La question du racisme est une question trop sérieuse pour la laisser uniquement sous le champs terminologique dit éthno-culturel. Elle mériterait en soi un développement qui n’est pas l’objet du texte. Elle semble instrumentalisée toujours par les mêmes courants tiers-mondistes et la bourgeoisie nationaliste de gauche. Une analyse intéressante https://botapol.blogspot.fr/2016/07/racisme-et-alienation-joseph-gabel.html
(6) A partir de la Renaissance.



"Il faut former une classe avec des chaînes radicales, une classe de la société bourgeoise qui ne soit pas une classe de la société bourgeoise, une classe qui soit la dissolution de toutes les classes, une sphère qui ait un caractère universel par ses souffrances universelles et ne revendique pas de droit particulier, parce qu'on ne lui a pas fait de tort particulier, mais un tort en soi, une sphère qui ne puisse plus s'en rapporter à un titre historique, mais simplement au titre humain, une sphère qui ne soit pas en une opposition particulière avec les conséquences, mais en une opposition générale avec toutes les suppositions du système politique [...], une sphère enfin qui ne puisse s'émanciper, sans s'émanciper de toutes les autres sphères de la société et sans, par conséquent, les émanciper toutes, qui soit, en un mot, la perte complète de l'homme, et ne puisse donc se reconquérir elle-même que par le regain complet de l'homme. La décomposition de la société en tant que classe particulière, c'est le prolétariat."

Karl MARX - Contribution à la critique de La philosophie du droit de Hegel / Introduction.