« Nous croyons, pour notre part, que si l’anarchie effraye, c’est qu’elle est réellement effrayante, comme solution actuelle, pour des esprits dressés à la paresse mentale et à la servilité.
Tant qu’elle se présente comme utopie, comme jeu gratuit de l’esprit forgeant une hypothèse, notre doctrine conserve des sympathies souriantes, parfois un peu inquiètes ; mais, que sonne l’heure de la mise en pratique, et les plus fanatiques défenseurs de l’idée en paroles pâlissent devant sa réalisation.
Disons-le donc sans ambages : la perspective de vivre sans chef, sans dieu, sans patron, et sans juge, dans la pleine responsabilité d’adultes émancipés, loin de la paternelle autorité des lois, loin de la paternelle image d’un exemple à suivre — c’est là précisément, et non pas ailleurs, qu’il faut chercher ce qui cause toute la réprobation attachée à l’Anarchie. »
(A.P., Anarchie ou succédané ?, 1947)
Toute sa vie, André Prudhommeaux (1902-1968), anarchiste « inclassable » et toujours réfractaire envers les troupeaux, œuvrera pour la révolution sociale, seul chemin vers la réalisation de l’idéal anarchiste. De son adieu à la doctrine marxiste à la critique de la technocratie, de son rejet de l’idéologie à son effort constant pour approfondir la pensée anarchiste, de sa méfiance envers les organisations de masse (y compris libertaires) à l’intransigeance contre tout opportunisme, sa conception de la liberté partira toujours de l’individu et du combat permanent contre toute oppression et exploitation. Cela l’amènera à défendre l’incendiaire du Reichstag et à critiquer durement les fossoyeurs de la révolution espagnole, à s’opposer à toute centralisation dans le mouvement anarchiste et à œuvrer inlassablement pour un renouveau permanent de l’anarchisme. Sa plume prolifique n’était pas vouée à caresser dans le sens du poil, mais à froisser les croyances et à secouer les consciences. Ce recueil de textes de sa main n’est rien d’autre qu’un appel précieux à « l’effort constant de la réflexion ».
Éditions Tumult - 422p. 10 euros