Oui bien sûr pour les faits, les dates, le déroulement des événements, leurs ampleurs et aussi parce que les ouvrages de synthèse sur la période et en langue française sont plutôt rares ou épuisés voir trop mal diffusés.(1)
Néanmoins la problématique de Harman est celle d'un bolchevik (trostkiste*). L'absence de Parti, de "meneurs", de révolutionnaires "décidés", les trahisons des "chefs", voila toute la panoplie des justifications déployée comme entre autres causes de l'échec. Au delà de la bureaucratisation des organisations, du poids des structures, de la guerre et du contexte national et international qu'il explicite clairement.
L'émancipation des travailleurs doit être l'œuvre des travailleurs eux-mêmes nous répète très justement et systématiquement Harman mais le dirigeant trotskiste qu'il a été, tente aussi de justifier dans cet ouvrage son propre rôle de bureaucrate et de trouver un lien théorico-pratique entre son statut et les "masses" de prolétaires qu'il faut finalement "diriger" "encadrer" et "radicaliser" et qui doivent paradoxalement faire les choses seuls ! Il y a donc dans ce livre un bel exemple de double langage presque typique de la rhétorique des
enfants du prophète.
Le prix fort lourd à payer de ce "eux-mêmes" est-il l'échec comme apprentissage ? Quel poids/importance pour la "conscience " et les idées philosophico-politiques ? Que dicte la nécessité de la lutte à ceux qui veulent s'organiser ? et que doivent t-il faire au regard de ce qu'ils pensent et doivent faire ? Peut-être faut-il d'abord simplement cesser de penser les interrogations en terme d'extériorité et d'avant-garde ou de sur-stratégiser la centralité de l'organisation des "révolutionnaires" qui ouvre aussi la porte au réformisme à l'opportunisme, et finalement à beaucoup de désillusions. L'organisation de la "pureté" et la fétichisation des "chefs" ou des "masses" n'a jamais donné que de la "trahison" mais aussi son corollaire c'est à dire la fabrication d'icônes et des totems propres à l'esprit religieux.(2)
De l'ouvrage de Harman il se dégage toute de même une énergie qui nous pousse et dont le moteur est la patience et l'acuité qu'il nous faut inlassablement susciter. Car l'essentiel dans ce combat titanesque c'est aussi de durer, de ne pas abdiquer mais surtout pour ne jamais s'installer. Qu'il faille tirer des leçons de l'Histoire (ce cauchemar) c'est une évidence mais peut-être faut-il aussi s'intéresser au fait que finalement nous n'en tirons peut-être pas les justes conséquences...
* Chris Harman est décédé en 2009 - Voir sa biographie en début d'ouvrage et son positionnement dans le mouvement trotskiste anglais ses rapports avec Tony Cliff etc...
(2) Source des cultes des personnalités, des "héros", des embaumements et finalement de l'enterrement de pensée la critique.