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vendredi 22 septembre 2017

Autogestion ouvrière et marché capitaliste (6)

Autogestion ouvrière et marché capitaliste
Extrait de : Qu'est-ce que l'Autonomie Ouvrière ? (1985) 
Traduction modifiée 2017.

Quand les travailleurs d'une entreprise commencent à gérer la production, un des premiers obstacles auxquels ils sont confrontés touche à l’approvisionnement en matières premières. La question s’aggrave quand les matériaux sont importés. L'expérience a montré qu’ils subissent immédiatement le boycott des capitalistes, qui ne leur fournissent pas les matériaux nécessaires.

En plus de cela il existe le problème du manque d'argent pour les acquérir. Quand cela arrive, les travailleurs sont forcés de faire appel à l'État pour tenter d’obtenir des fonds. C’est la première étape vers la perte d’autonomie conquise par l'action d'occupation de l'entreprise.

En se servant de cette nécessité de l’argent, le gouvernement ou les propriétaires du capital, vont chercher à encadrer et contrôler les ouvriers en leur imposant des restrictions, des buts et des objectifs.

Un autre problème non moins difficile à résoudre est celui de la distribution des produits de ces entreprises autogérées. De très nombreuses fois elles n’arrivent pas être aussi compétitives que les entreprises capitalistes du marché.

S’il existe une situation révolutionnaire généralisée dans le pays, il est possible d'établir un système d'échange direct entre les usines en autogestion et entre l'industrie et l'agriculture.

Mais si les luttes sont isolées, cela n’est possible qu’au moyen du marché capitaliste. La pression qu'il exerce force l’usine à revêtir des formes capitalistes de gestion, pour restaurer la rentabilité et la compétitivité nécessaires.

A ce moment-là s’imposent les critères capitalistes fondés sur les indices de productivité et d’efficacité.

Le retour de ces critères aboutit par engendrer l'apathie entre les travailleurs, et donc la bureaucratisation des comités d'usine est inévitable. Quand les comités d’usine bureaucratisés ne disparaissent pas, ils deviennent les nouveaux managers du capital. C’est ce qui est arrivé au Portugal par exemple, avec diverses entreprises industrielles et agricoles qui se mirent en autogestion après la chute du régime salazariste en 1974.

En août 1975, on estimait à 308 environ le nombre d’entreprises en autogestion dans le secteur urbain. Dans le sud, région des latifundiaires, de vastes espaces ont été occupés et collectivisés par des salariés agricoles, donnant naissance aux Unités Collectives de Production (UCP).

Dans tous les cas ce fut une solution trouvée par les travailleurs pour éviter le chômage. A cette époque de nombreuses entreprises fermaient parce que déficitaires, ou parce que le patron s’enfuyait à l’étranger avec l’argent par peur du “communisme”.

Ces pratiques autogestionnaires auraient été une grande menace pour le capitalisme portugais si elles ne s’étaient pas limitées à des secteurs relativement périphériques de l'économie. Elles se sont produites principalement dans l'industrie textile, graphique, l'hôtellerie et le tourisme. Les initiatives qui ont émergé dans l’agriculture sont restées isolées du reste du pays et n'ont pas eu d'autre choix que de faire appel à l'État.

La liaison entre les différents secteurs de l’économie était fondamentale pour créer une réelle autonomie de ces entreprises dépendantes du capitalisme portugais, cela aurait permis l’expansion vers d’autres niveaux de la société et bien plus, par-delà les frontières portugaises.

Cependant, comme le capitalisme portugais se réorganisait avec le reflux du mouvement révolutionnaire, la situation de ces entreprises était devenue de plus en plus difficile. La dépendance qu’elles avaient vis-à-vis des institutions capitalistes correspondait à la fragilité du mouvement qui s’était généralisé mais pas unifié, au point de créer un réseau de relations sociales fondé sur des critères de lutte prolétariens qui pouvaient être imposés pour la réorganisation globale de la société dans une perspective socialiste.

L'expérience portugaise, parce que contemporaine, est d'une grande importance. Elle nous permet de voir que l'un des plus grands obstacles du processus révolutionnaire est aujourd'hui le marché capitaliste.

Lorsque les luttes restent isolées, les expériences autogestionnaires finissent par être encerclées de tous les côtés ; par le marché de capitaux, le crédit, de produits finis et aussi par le marché des moyens de production (machines, semences, engrais, etc.).

L’internationalisme des luttes se pose dans ce contexte comme un impératif pratique et non comme un slogan que l’on lance au moment des grandes dates commémoratives. L'internationalisation de la révolution n’est pas une nécessité à long terme, mais une question de survie immédiate.

L’autogestion comme expression de l’autonomie de la classe ouvrière face au capitalisme ne peut être vue comme une particularité de telle ou telle usine. Elle ne peut être réduite non plus à une solution provisoire pour des temps de crise.

Autogérer ne signifie pas seulement gérer d’une manière différente un capital productif afin que son produit soit distribué de manière plus équitable entre les travailleurs.

Les pratiques autogestionnaires doivent profondément modifier les relations de travail et détruire la logique de valorisation du capital.

Ce n’est pas un but à atteindre dans la société capitaliste. L'autogestion est un moyen de lutte à travers lequel les travailleurs prennent conscience qu'ils sont capables de gérer la production, de créer de nouvelles formes d'organisation du travail, et de mettre la démocratie ouvrière en pratique.

Il est nécessaire de distinguer le mouvement des travailleurs des commissions qui en surgissent mais qui se bureaucratisent à chaque fois que le cours de la lutte n’est pas ascendant. C’est la vivacité du mouvement autonome conjugué à la désagrégation des centres de pouvoir - deux aspects d’un même phénomène qui peuvent permettre la survie des pratiques autogestionnaires.


L'Autonomie ouvrière: Une pratique de classe
La lutte Autonome
Les institutions Autonomes
La dynamique du processus
Luttes revendicatives et révolution
La transformation des relations sociales dans la lutte en de nouvelles relations sociales de production.
Autogestion ouvrière et marché capitaliste.
La légalisation de la lutte
Autogestion et technologie.
Autonomie ouvrière et partis politiques
Autonomie ouvrière et syndicats
Autonomie et socialisme


Vosstanie propose une traduction d'un ouvrage de Lúcia Barreto Bruno édité en 1985 au Brésil. Elle sera le support d'une émission de la Web Radio Vosstanie et d'un débat sur la question posée. Il va de soi que nous ne sommes pas en accord avec certains propos, approches du livre (ambiguës sur la question de la "gestion" et "d'auto-gestion" ou de qui a à "gérer") qui a donc 30 ans. Ils posent néanmoins en creux de nombreuses questions, critiques (à faire), de manière très stimulante, dans un débat complexe. Il s'agit donc d'un écrit qui nous permettra de dégager pas mal de perspectives.


O que é Autonomia Operária - Lúcia Bruno. Editora Brasiliense - 1986 . 91p.

VOIR AUSSI LA VERSION AUDIO DE:
 Qu'est-ce que l'Autonomie Ouvrière ? 
 (Le son de Radio Vosstanie du 1/08/17)
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Voir aussi notre émission
et la publication de la brochure.

vendredi 19 juin 2015

Qu'est-ce que l'Autonomie Ouvrière ?

Qu'est-ce que l'Autonomie Ouvrière ?
de Lúcia Bruno

Vosstanie propose une traduction d'un ouvrage de Lúcia Barreto Bruno édité en 1985 au Brésil. Elle sera le support d'une émission de la Web Radio Vosstanie et d'un débat sur la question posée. Il va de soi que nous ne sommes pas en accord avec certains propos, approches du livre (ambiguës sur la question de la "gestion" et "d'auto-gestion" ou de qui a à "gérer") qui a donc 30 ans. Ils posent néanmoins en creux de nombreuses questions, critiques (à faire), de manière très stimulante, dans un débat complexe. Il s'agit donc d'un écrit qui nous permettra de dégager pas mal de perspectives.

O que é Autonomia Operária - Lúcia Bruno. Editora Brasiliense - 1986 . 91p.


Qu'est-ce que l'Autonomie ouvrière ?


Introduction

De nos jours on parle beaucoup d'autonomie ouvrière. Différents auteurs ont discouru sur le sujet et les interprétations sont diverses.

Je ne prétends pas faire ici un tableau des différentes manières d'aborder le sujet. Ni, d'affirmer mon point de vue comme le seul valable. Dès maintenant je m'écarte de toute problématique qui se rapporte à une vérité éternelle, et pense que les idées d'un auteur sont toujours celles qui découlent de sa pratique sociale et non de l'humanité en général.

De plus l'autonomie ouvrière, son développement sa réalisation ne dépendent pas du débat théorique, mais des conditions objectives existantes dans la société contemporaine et de la position que chacun de nous occupe dans la pratique sociale. C'est à ce niveau que les individus s'unissent ou se séparent autour de questions cruciales de notre époque.

Nous verrons, donc, une des possibilités de penser l'autonomie ouvrière, les conditions de son développement, les limites auxquelles sa pratiquement se confronte, et le futur qu’elle nous indique.


L'Autonomie ouvrière: Une pratique de classe


Ce qui définit l'autonomie ouvrière, comme pratique sociale, c'est sa capacité à créer des relations sociales d'un nouveau genre, qui se structurent en antagonisme ouvert avec les relations sociales existantes dans la société capitaliste. Dans quel sens ?

Dans le sens ou l'autonomie ouvrière s'exprime par la pratique de l'action directe contre le capital, sur les lieux de production — épine dorsale du capitalisme. Cette action directe unifie le pouvoir de décision et d'exécution, élimine la division entre travail manuel et intellectuel, abolit la séparation entre dirigeants et dirigés, et fait cesser la représentation par la délégation de pouvoir.

Sur le terrain de l'autonomie ouvrière, le travailleur ne se fait pas représenter. Il se représente.

Il s'agit d'un processus de lutte dans laquelle la classe ouvrière s'organise et se dirige, en se différenciant des classes dominantes de leurs institutions, des pratiques et de l’idéologie d'intégration et d'exploitation. C'est une pratique qui unifie tous les fronts de lutte : économique, politique et idéologique, en ayant comme objectif final le socialisme.

L'autonomie ouvrière est une tendance très ancienne à l'intérieur du mouvement ouvrier, qui s'est manifestée aux moments le plus aigus de l'affrontement de classes. Pendant la Commune de Paris (1871), dans la Révolution Russe (1917), dans la Révolution Allemande (1918/19), dans la Révolution Espagnole (1936/39), dans le mouvement ouvrier portugais après la chute du salazarisme en avril 1974 par exemple.

L'organisation par laquelle le prolétariat en vient, historiquement, à exprimer son autonomie est le Conseil Ouvrier, où tout le pouvoir appartient aux assemblées générales de travailleurs, axe central des débats et de décisions.

J'utilise ici la dénomination de conseil ouvrier, parce qu'elle est déjà entrée dans le vocabulaire commun. En réalité ils ont existé et existent sous des noms divers : commission d'usine, commission de travailleurs, comités de grève, soviet, etc. Ce qui importe comme critère de définition c'est la structure interne de ces organisations, leurs objectifs et l'activité qu'elles développent réellement: le contrôle et la gestion de la production et de toute la vie sociale.

À ce niveau nous pouvons nous demander s'il possible à la classe ouvrière de développer un processus où elle se définit en complète rupture avec la société capitaliste comme un tout. C'est ce que nous allons examiner maintenant.

La classe ouvrière n'est pas une réalité morale, mais sociale. Elle n'a de réalité que dans la manière dont elle s'organise et cette forme est contradictoire.

D'un côté, c'est la classe organisée par le capital, dans les lieux de production, qui développe des relations que le système capitaliste impose, par les machines et une technologie déterminée. Cette logique soumet la classe ouvrière à des opérations fragmentées, qui l'éloigne de la compréhension du processus de travail et en la soumettant à une stricte hiérarchie. C'est la classe ouvrière organisée pour la production de profit dans et pour le capitalisme.

D'un autre côté, les ouvriers développent entre eux, des relations libres et collectives chaque fois qu’ils mènent une lutte directe contre le capital.

Dans ces nouvelles relations, l'égalité entre les ouvriers, dans la lutte contre le système qui les exploite, élimine les hiérarchies imposées par l'entreprise. En outre, la participation dans les réunions et les décisions collectives fait que chaque ouvrier ne s'éloigne pas de la compréhension de sa propre activité. C'est la classe ouvrière auto-organisée qui lutte pour la réalisation de ses propres objectifs.

De la contradiction entre ces deux formes d'organisation découle que tant qu'il y aura du capitalisme, l'une ne se développera pas sans l'autre. La discipline dans les entreprises suscite toujours des formes de luttes. Donc l'entreprise est le terrain premier, mais pas ultime du développement de la lutte pour l'autonomie.

A la suite de ces luttes, la classe ouvrière développe des relations sociales d'un type nouveau, auxquelles je me réfère au début, et qui structurent l'autonomie de la classe face la société capitaliste et la classe des exploiteurs.

Il s'agit de la création de nouvelles institutions sociales où se réalisent les relations établies par la démocratie directe, par la révocabilité et l'éligibilité de délégués par l'assemblée générale de travailleurs, qui auto-institue alors les conditions de développement de la société socialiste.

Dans ce sens, l'autonomie ouvrière ne signifie pas une autonomie organique, physique, en relations avec les institutions capitalistes. Elle ne signifie pas par exemple, l'autonomie des syndicats en rapports avec l’appareil d'État, ni des mouvements sociaux en relation avec les structures partidaires.

Ce que signifie bien autonomie en revanche, concerne les liens avec les modèles capitalistes d'organisation et de gestion, qui comme toujours sont hiérarchisés, centralisent les décisions et reproduisent les inégalités sociales. Comme nous le verrons tout au long de ce livre, l'autonomie ouvrière s'attache à la création d'une nouvelle réalité sociale, dotée d'institutions spécifiques qui se développent en rupture ouverte avec la société capitaliste.



TABLE

L'Autonomie ouvrière: Une pratique de classe
La lutte Autonome
Les institutions Autonomes
La dynamique du processus
Luttes revendicatives et révolution
La transformation des relations sociales dans la lutte en de nouvelles relations sociales de production.
Autogestion ouvrière et marché capitaliste.
La légalisation de la lutte
Autogestion et technologie.
Autonomie ouvrière et partis politiques
Autonomie ouvrière et syndicats
Autonomie et socialisme


Nous introduirons la brochure en la contextualisant avec deux textes et ferons toutes nos réflexions / critiques de cet ouvrage très stimulant.


TÉLÉCHARGER LA BROCHURE VERSION AUDIO 


Vosstanie propose une traduction d'un ouvrage de Lúcia Barreto Bruno édité en 1985 au Brésil. Elle sera le support d'une émission de la Web Radio Vosstanie et d'un débat sur la question posée. Il va de soi que nous ne sommes pas en accord avec certains propos, approches du livre (ambiguës sur la question de la "gestion" et "d'auto-gestion" ou de qui a à "gérer") qui a donc 30 ans. Ils posent néanmoins en creux de nombreuses questions, critiques (à faire), de manière très stimulante, dans un débat complexe. Il s'agit donc d'un écrit qui nous permettra de dégager pas mal de perspectives.


O que é Autonomia Operária - Lúcia Bruno. Editora Brasiliense - 1986 . 91p.


Voir également notre une Émission du 10/12/2017
et la publication de la brochure.