Le “populaire” comme populisme
chic de la petite bourgeoisie
intello de gauche ?
Notes et extrait de correspondance sur les éditions Agone, Action
Directe, Gérard Noiriel et le “peuple français”.
Tu sais déjà ce
que je pense de cette mode du “populaire” nous l’avons déjà un petit peu
exprimé pour critiquer le livre de Raquel Varela qui doit sortir décidément
chez ces éditions Agone.
Je suis gavé
pour quelques décennies de ces histoires, contre-histoires et autres trucs et
bidules expliqués à ma fille, ma belle-sœur, mon chien ou mon perroquet à
calotte rouge. Je me méfie toujours des pédagogues qui nous veulent trop de
bien et nous prennent en même temps pour des demeurés.
Pour répondre
plus précisément à ta demande d’avis, mais faut-il nécessairement en avoir
un ? Je suis allé à la librairie X pour feuilleter le dernier livre de
Gérard Noiriel. Je l’ai parcouru rapidement de son intro à sa conclusion et
j’ai lu attentivement son dernier chapitre qui est franchement sans intérêt
particulier.
Je t’avais déjà
expliqué mes réticences qui vont au-delà de la production “scientifique” de cet
auteur dont j’ai pu apprécier certains textes sur l’immigration.
Noiriel a fait
”carrière” et il le dit très clairement de manière coupable dans sa très
mauvaise introduction.
Il tente de se
dégager grâce à une petite stratégie commerciale et marketing du panier plutôt
profond de ces histoires ou on pouvait le voir disparaître avec Michelle
Zancarini-Fournel.
Comment ?
En mettant cette dernière sur le même plan que Michelet et Braudel rien de
moins… Des petits ronds de jambe qui doivent servir à je ne sais quel renvoi
d'ascenseur. Mais Passons.
Sais-tu quand même que Noiriel qui parle du “peuple” ce concept de merde a appelé à voter Hollande en 2012 [1] ?
Je te précise que cet apostat de la religion stalinienne qui se fait passer pour une sorte de Daniel Mothé [2], est arrivé à l’EHESS dans une drôle de période, celle d’un François Furet finissant et de ses amis, qui furent placés par ce chantre de l’antitotalitarisme à des postes clés. [3]
Je comprends
mieux sa “culpabilité” à nous parler pour la modique somme de 30 euros de
“populaire”.
À mon avis et
implicitement il nous propose un contre-roman tout aussi pourri que celui de
ceux qu’il qualifie de “vaincus” c’est-à-dire des porte-paroles intellos
universitaires comme lui – mais de minorités
religieuses, raciales, sexuelles ou postcoloniales (sic).
Je trouve cela étrange parce que
je mets son livre en regard de ses actes c’est-à-dire de sa nomination en 2016
à la DILCRAH par Dominique Schnapper
qui fut d’ailleurs en 2017 nommée par Jean-Michel Blanquer pour devenir la
présidente du futur Conseil des sages de
la laïcité.
Tu sais très bien que j’ai plus
que du mal avec les identitaires de gauche et de droite comme avec tous les
entrepreneurs de la “race” ou du religieux, comme je combats également la
notion de “laïcité ouverte” et si je partage d’une certaine manière son propos
sur la stigmatisation et la mobilisation sur le langage de l’identité, ce n’est pas pour faire la part belle au roman
républicain méritocrate et bourgeois de l’intégration par la nation et pour ce
devenir commun de “peuple français” dont je n’ai rien à foutre et de cette
terminologie trop vague de “classes
populaires”.
Mais de quel “peuple” nous parle
Noiriel ?
C’est quoi qui les “classes
populaires” au juste ? Je trouve que Noiriel joue avec trop d'ambiguïtés
terminologiques et pratiques. Ainsi qu’il fasse référence à Norbert Elias pour
parler de “l’extension des chaînes
d'interdépendance” pour mieux parler ensuite de “Notre” (le sien
probablement) État national comme lieux pour les luttes “populaires” et comme “moyen le plus réaliste pour combattre les
injustices et inégalités sociales” et lutter contre le “capitalisme
financier” et les macronnades et son monde, cela ne le mets tout au plus que
dans le sillage des gens de cour de la gauche de la capitale et du capital.
Il dit lui-même que les intellos
sont toujours à la remorque dans les
luttes. Lui apparemment compte bien jouer un rôle mais au niveau de l’État et
de ces organes c’est à dire du pouvoir bourgeois.
L’État-nation hélas n’est pas
obsolète comme il le souligne, mais notre constat n’est pas commun, car nous ne
luttons pas “contre les injustices” mais bien pour en finir avec les États et
les nations, non pas contre les “inégalités” phrase type de bulle pour les
romans photos de la gauche, mais pour le communisme.
Qu’il cite le mot d’ordre du
manifeste communiste n’a à mon sens aucune valeur. Car son “prolétaire“, il nous
le propose finalement comme un “Peuple français” inter-classsistes (classes
populaires) qui doit s’unir contre le capital financier.
Le comble du récupéré ne
s’incarne même plus dans la juxtaposition de longs propos d’autojustification
ou d’inflation d’histoires dites “populaires” comme une forme de ligne
éditoriale car ça c’est le monde de la marchandise et son supermarché
maintenant planétaire et c’est à ce niveau qu’il faut agir et réfléchir.
Non je pense que le comble se
trouve dans la bêtise d’un éditeur ignorant et subventionné qui confond ses
bourdieu-series dignes d’un Pierre Carles, le “spectacle de la lutte” avec les
luttes des classes de prolétaires concrets :
“De ce point de vue, le groupe Action directe fut peut-être la seule réponse que ces survivants de l'extrême gauche européenne ont su donner aux ultimes réajustements de la social-démocratie, c'est-à-dire, en France, du Parti socialiste — qui fit de sa promesse de « Changer la vie » un moment de la contre-révolution néolibérale. Non pas la réponse des enfants de la bourgeoisie cultivée qui étaient parvenus à une connaissance du fonctionnement de la société si « intelligente » qu'elle les aida à réussir lorsqu'ils changèrent de côté dans la lutte des classes, lorsqu'ils se mirent au service de leur groupe social d'origine pour jouer dans la comédie démocratique de masse et de marché les rôles qui leur valurent une place au soleil — et tant pis pour ceux qui restaient à l'ombre. Non pas la réponse des étudiants des grandes écoles et des bonnes universités mais celle des filles et des fils d'ouvriers ou de petits employés, mauvais élèves qui n'avaient pas traversé cette décennie agitée (1968-1978) comme un stage d'été (ou plutôt de printemps) mais comme une révélation sans retour en arrière.” [4]
Ce propos oublieux et méprisant
pour les "militants" qui ont tenté d'en finir avec le capitalisme de
manière non-autoritaire sans forcément être exemplaires ou à l'avant-garde des
consciences à éclairer est également une crapuleuse insulte à tous les
prolétaires anonymes qui continuent d’ailleurs au quotidien de lutter contre le
capitalisme pour une autre société et non son aménagement.
Contre ce type de fatras je ne
peux que citer Manchette “Le terrorisme
gauchiste et le terrorisme étatique, quoique leurs mobiles soient
incomparables, est les deux mâchoires du même piège à cons” ceci contre
toutes les justifications foireuses et boiteuses de l’autonomie stalino-armée.
Son "fut peut-être" marque encore fois l’absence de culture
historique et politique de cet éditeur ou une volonté de complaisance qui frise
alors la mauvaise foi et la manipulation et dont l’ouvrage de Raquel Varela cette
trotskiste d’État est aussi bien le résultat qu’un prodrome.
On aurait aimé avoir par exemple
le point de vue de Rouillan sur l’avocat de la RAF (Rote Armee Fraktion) Klaus Croissant qui fut de 1981 à 1989 un
agent de la Stasi ! Thierry Discepolo qui disserte tellement sur les éditeurs
et avec les universitaires doit certainement en avoir un, d’avis ?
Il y a quelque chose de tragique
dans le fait que nos luttes, que d’autres agencent de manière érudite et pour
leurs “carrières” nous soient vendues ensuite comme “populaires”. C’est la
triste manifestation de la séparation d’avec nos vies vécues.
Je ne sais vraiment que penser de
ce type de production pour ces marchés captifs que sont les bibliothèques et
autres instituts mouroirs à livres, fermés et pour dians dians en 3ème cycle en
radicalité et qui ne visent in fine comme les Noiriel que les postes et les
comités interministériels.
Peut-être que le “populaire”
c’est le populisme chic de la petite
bourgeoisie intello de gauche ?
Esthétiquement c’est comme du
branché tradi ou du néo-routier, un peu comme cette mode des troquets et des
comptoirs en faux formica qu'investissent les petits - bourges pour se donner
des airs canailles et “peuple”.
Notre seule satisfaction c’est
que nous n’ayons ni les moyens financiers de les acheter et le temps de les
lire et que notre temps d’action disponible nous le consacrons plus
sérieusement et concrètement à nous organiser, nous rencontrer à nous parler
pour abattre ce monde.
NOTES
[1] Pour les savoirs et la culture, 362 intellectuels voteront François Hollande. https://www.huffingtonpost.fr/intellectuels-francais/pour-les-savoirs-et-la-culture-voter-hollande_b_1474324.html
À propos du livre (à paraître) Histoire Populaire de la Révolution Portugaise de Raquel Varela aux éditions Agone