mercredi 3 octobre 2018

Le “populaire” comme populisme chic de la petite bourgeoisie intello de gauche ?

Le “populaire” comme populisme 
chic de la petite bourgeoisie 
intello de gauche ? 

Notes et extrait de correspondance sur les éditions Agone, Action Directe, Gérard Noiriel et le “peuple français”.

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Tu sais déjà ce que je pense de cette mode du “populaire” nous l’avons déjà un petit peu exprimé pour critiquer le livre de Raquel Varela qui doit sortir décidément chez ces éditions Agone. 

Je suis gavé pour quelques décennies de ces histoires, contre-histoires et autres trucs et bidules expliqués à ma fille, ma belle-sœur, mon chien ou mon perroquet à calotte rouge. Je me méfie toujours des pédagogues qui nous veulent trop de bien et nous prennent en même temps pour des demeurés.

Pour répondre plus précisément à ta demande d’avis, mais faut-il nécessairement en avoir un ? Je suis allé à la librairie X pour feuilleter le dernier livre de Gérard Noiriel. Je l’ai parcouru rapidement de son intro à sa conclusion et j’ai lu attentivement son dernier chapitre qui est franchement sans intérêt particulier.

Je t’avais déjà expliqué mes réticences qui vont au-delà de la production “scientifique” de cet auteur dont j’ai pu apprécier certains textes sur l’immigration.

Noiriel a fait ”carrière” et il le dit très clairement de manière coupable dans sa très mauvaise introduction.

Il tente de se dégager grâce à une petite stratégie commerciale et marketing du panier plutôt profond de ces histoires ou on pouvait le voir disparaître avec Michelle Zancarini-Fournel.

Comment ? En mettant cette dernière sur le même plan que Michelet et Braudel rien de moins… Des petits ronds de jambe qui doivent servir à je ne sais quel renvoi d'ascenseur. Mais Passons.

Sais-tu quand même que Noiriel qui parle du “peuple” ce concept de merde a appelé à voter Hollande en 2012 [1] ?

Je te précise que cet apostat de la religion stalinienne qui se fait passer pour une sorte de Daniel Mothé [2], est arrivé à l’EHESS dans une drôle de période, celle d’un François Furet finissant et de ses amis, qui furent placés par ce chantre de l’antitotalitarisme à des postes clés. [3]

Je comprends mieux sa “culpabilité” à nous parler pour la modique somme de 30 euros de “populaire”.

À mon avis et implicitement il nous propose un contre-roman tout aussi pourri que celui de ceux qu’il qualifie de “vaincus” c’est-à-dire des porte-paroles intellos universitaires comme lui – mais de minorités religieuses, raciales, sexuelles ou postcoloniales (sic).

Je trouve cela étrange parce que je mets son livre en regard de ses actes c’est-à-dire de sa nomination en 2016 à la DILCRAH par Dominique Schnapper qui fut d’ailleurs en 2017 nommée par Jean-Michel Blanquer pour devenir la présidente du futur Conseil des sages de la laïcité.

Tu sais très bien que j’ai plus que du mal avec les identitaires de gauche et de droite comme avec tous les entrepreneurs de la “race” ou du religieux, comme je combats également la notion de “laïcité ouverte” et si je partage d’une certaine manière son propos sur la stigmatisation et la mobilisation sur le langage de l’identité, ce n’est pas pour faire la part belle au roman républicain méritocrate et bourgeois de l’intégration par la nation et pour ce devenir commun de “peuple français” dont je n’ai rien à foutre et de cette terminologie trop vague de  “classes populaires”.

Mais de quel “peuple” nous parle Noiriel ?

C’est quoi qui les “classes populaires” au juste ? Je trouve que Noiriel joue avec trop d'ambiguïtés terminologiques et pratiques. Ainsi qu’il fasse référence à Norbert Elias pour parler de “l’extension des chaînes d'interdépendance” pour mieux parler ensuite de “Notre” (le sien probablement) État national comme lieux pour les luttes “populaires” et comme “moyen le plus réaliste pour combattre les injustices et inégalités sociales” et lutter contre le “capitalisme financier” et les macronnades et son monde, cela ne le mets tout au plus que dans le sillage des gens de cour de la gauche de la capitale et du capital.

Il dit lui-même que les intellos sont toujours à la remorque dans les luttes. Lui apparemment compte bien jouer un rôle mais au niveau de l’État et de ces organes c’est à dire du pouvoir bourgeois.

L’État-nation hélas n’est pas obsolète comme il le souligne, mais notre constat n’est pas commun, car nous ne luttons pas “contre les injustices” mais bien pour en finir avec les États et les nations, non pas contre les “inégalités” phrase type de bulle pour les romans photos de la gauche, mais pour le communisme.

Qu’il cite le mot d’ordre du manifeste communiste n’a à mon sens aucune valeur. Car son “prolétaire“, il nous le propose finalement comme un “Peuple français” inter-classsistes (classes populaires) qui doit s’unir contre le capital financier.

Le comble du récupéré ne s’incarne même plus dans la juxtaposition de longs propos d’autojustification ou d’inflation d’histoires dites “populaires” comme une forme de ligne éditoriale car ça c’est le monde de la marchandise et son supermarché maintenant planétaire et c’est à ce niveau qu’il faut agir et réfléchir.

Non je pense que le comble se trouve dans la bêtise d’un éditeur ignorant et subventionné qui confond ses bourdieu-series dignes d’un Pierre Carles, le “spectacle de la lutte” avec les luttes des classes de prolétaires concrets :

 “De ce point de vue, le groupe Action directe fut peut-être la seule réponse que ces survivants de l'extrême gauche européenne ont su donner aux ultimes réajustements de la social-démocratie, c'est-à-dire, en France, du Parti socialiste — qui fit de sa promesse de « Changer la vie » un moment de la contre-révolution néolibérale. Non pas la réponse des enfants de la bourgeoisie cultivée qui étaient parvenus à une connaissance du fonctionnement de la société si « intelligente » qu'elle les aida à réussir lorsqu'ils changèrent de côté dans la lutte des classes, lorsqu'ils se mirent au service de leur groupe social d'origine pour jouer dans la comédie démocratique de masse et de marché les rôles qui leur valurent une place au soleil — et tant pis pour ceux qui restaient à l'ombre. Non pas la réponse des étudiants des grandes écoles et des bonnes universités mais celle des filles et des fils d'ouvriers ou de petits employés, mauvais élèves qui n'avaient pas traversé cette décennie agitée (1968-1978) comme un stage d'été (ou plutôt de printemps) mais comme une révélation sans retour en arrière.” [4]

Ce propos oublieux et méprisant pour les "militants" qui ont tenté d'en finir avec le capitalisme de manière non-autoritaire sans forcément être exemplaires ou à l'avant-garde des consciences à éclairer est également une crapuleuse insulte à tous les prolétaires anonymes qui continuent d’ailleurs au quotidien de lutter contre le capitalisme pour une autre société et non son aménagement.

Contre ce type de fatras je ne peux que citer Manchette “Le terrorisme gauchiste et le terrorisme étatique, quoique leurs mobiles soient incomparables, est les deux mâchoires du même piège à cons” ceci contre toutes les justifications foireuses et boiteuses de l’autonomie stalino-armée.

Son "fut peut-être" marque encore fois l’absence de culture historique et politique de cet éditeur ou une volonté de complaisance qui frise alors la mauvaise foi et la manipulation et dont l’ouvrage de Raquel Varela cette trotskiste d’État est aussi bien le résultat qu’un prodrome.

On aurait aimé avoir par exemple le point de vue de Rouillan sur l’avocat de la RAF (Rote Armee Fraktion) Klaus Croissant qui fut de 1981 à 1989 un agent de la Stasi ! Thierry Discepolo qui disserte tellement sur les éditeurs et avec les universitaires doit certainement en avoir un, d’avis ?

Il y a quelque chose de tragique dans le fait que nos luttes, que d’autres agencent de manière érudite et pour leurs “carrières” nous soient vendues ensuite comme “populaires”. C’est la triste manifestation de la séparation d’avec nos vies vécues.

Je ne sais vraiment que penser de ce type de production pour ces marchés captifs que sont les bibliothèques et autres instituts mouroirs à livres, fermés et pour dians dians en 3ème cycle en radicalité et qui ne visent in fine comme les Noiriel que les postes et les comités interministériels.

Peut-être que le “populaire” c’est le populisme chic de la petite bourgeoisie intello de gauche ?

Esthétiquement c’est comme du branché tradi ou du néo-routier, un peu comme cette mode des troquets et des comptoirs en faux formica qu'investissent les petits - bourges pour se donner des airs canailles et “peuple”.

Notre seule satisfaction c’est que nous n’ayons ni les moyens financiers de les acheter et le temps de les lire et que notre temps d’action disponible nous le consacrons plus sérieusement et concrètement à nous organiser, nous rencontrer à nous parler pour abattre ce monde.


NOTES




[1] Pour les savoirs et la culture, 362 intellectuels voteront François Hollande. https://www.huffingtonpost.fr/intellectuels-francais/pour-les-savoirs-et-la-culture-voter-hollande_b_1474324.html

[2] Ancien militant de Socialisme ou Barbarie et ouvrier fraiseur P2 chez Renault a obtenu un diplôme à L’EHESS en 1972 et est devenue sociologue du travail ensuite. Voir également journal d’un ouvrier 1956-1958, Éditions de Minuit.

[3] Jacques Julliard, Marcel Gauchet, Pierre Rosanvallon et Cornelius Castoriadis.

[4] Introduction de l’éditeur à Jann Marc Rouillan Dix ans d’Action directe Un témoignage, 1977-1987. Agone. (2018)




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version du 3/10/2018
À propos du livre (à paraître) Histoire Populaire de la Révolution Portugaise de Raquel Varela aux éditions Agone