Archive contemporaine
du spectacle de la conscience
Drôle de temps où la “théorie de la révolution” s’imprime à bas coût à l’est de l’Europe ou à ses portes pour contenter on ne sait qui, et ou les archives du spectacle de la conscience s’accumulent dans d’hétéroclites bases de données.
Dans cette histoire dense et oubliée des revues militantes ou les pages à l’encre passée s'amoncellent on a presque oublié qu’il ne s’agit que d’un éternel bégaiement.
Le vertige nous gagne alors face aux tas de papiers, fichiers qui nous semble-t-il, n’ont fait trembler que la cause du temps perdu et de la désillusion.
Pour autant cet agglutinement de mots répétés jusqu’en lettres capitales paraît nous indiquer encore une fois quelques vérités sociologiques.
On pensait les avoir découvertes dans sa pratique politique mais elles se révèlent presque comme des lois du genre. Elles peuvent paraître dérisoires même si elles sont d’une certaine manière importantes pour comprendre ce qu’il serait bon de ne pas reproduire.
Et pourtant…
L’intensité des périodes foisonnantes en événements donne parfois un air halluciné aux prétentions des sectes de “révolutionnaires” sans révolution, plus précisément sur la question de “l’intervention”.
À ce sujet il est fort intéressant de relire ce qu’en disait déjà en son temps un groupe communiste se rattachant au communisme de conseils le PIC (Pour une Intervention Communiste ) dans sa revue Jeune Taupe ! Éditée de 1974 à 1981 (1). Le groupe ayant existé de 1973 à 1982.
Le PIC affirmait déjà et d’emblée s’écarter de deux positions que l'on retrouve fréquemment dans le courant dit “ultra-gauche" mais que l’on peut aisément étendre jusqu’à de nombreux courants “radicaux”.
La position activiste qui sans vérification préalable d'un accord théorique cherche à rassembler le plus de monde possible pour "faire" quelque chose, et qui pose d'emblée les problèmes en termes de possibilités d'action, de moyens techniques, etc.
La position attentiste découlant en général d’une vision programmatique (2) du communisme et élitiste des révolutionnaires. Attitude courante qui mène ceux qui l'adopte à rechercher à travers les polémiques “hautement théoriques" et les affirmations dogmatiques, les meilleurs prétextes pour au contraire ne rien faire.
Si le PIC note que l'intervention des révolutionnaires n'est pas un problème qui se pose in abstracto sans aucune considération de temps, de lieu et de moyens, et qu’elle ne peut être envisagée comme une simple "action" des révolutionnaires. L’on constate tout de même qu’il envisage au moins performativement un “extérieur”.
S’il souligne que l’action est souvent sacralisée et érigée en preuve essentielle de révolutionnarité, il souligne également à juste titre qu’elle est fortement déterminée par des situations historiques, politiques et pratiques.
Le PIC critiquait donc ainsi les “activistes” les “interventionnistes" ceux pour qui il est important de “faire” et ceci peu importe ce que l’on fait.
Il souligne pourtant l’importance de “l'intervention” des “révolutionnaires” mais pas n'importe où et n'importe comment. Surtout pas en palliant “l'hétérogénéité de la conscience” par des mesures strictement organisationnelles empruntées aux thèses de Lénine et de son Que faire ?
L'on n'intervient pas n'importe quand souligne-t-il.
Toujours héritier d’une certaine extériorité il s’agit pour le PIC de diffuser “les principes de classe au sein du prolétariat” et de participer de son “mouvement vers l'émancipation”.
Cette “intervention” communiste n’a pas été simple pendant la contre-révolution stalinienne suite à ce qu’il nomme la “dégénérescence de la révolution russe”. Cette notion de “dégénérescence” tout comme celle de “décadence” du capital mériterait en soi un vaste débat d’une teneur à la fois préhistorienne et herméneutique mais cela dépasse le cadre de cette notule.
Mais il ne semble pas que la période ait été plus aisée pendant la reprise au niveau mondial de la lutte autonome du prolétariat sous les coups de la crise du Capital (années 60-80) qui semble avoir jeté un voile noir sur la théorie et l’action communiste comme il l’indique.
Ainsi point gâté par les événements le PIC constatait une période néfaste pour l’intervention. Surtout face au capital “décadent mais victorieux” qui semblait-il conduisait déjà “l’humanité aux portes de la barbarie”.
Que nous proposait donc le PIC ? De placer entre eux et la contre-révolution triomphante le maximum de barrières possible.
De retrouver et de défendre les positions initiales du mouvement prolétarien qui ont été emportées dans la tourmente.
De tirer un bilan de la période pour comprendre les causes de son avènement.
En somme de renouer avec l’héritage de la Gauche communiste sur les questions de l'Impérialisme, les libérations nationales, le frontisme, les syndicats, l'électoralisme, le capitalisme d'État, etc.
Mais plus de 40 ans plus tard il est nécessaire de constater que nous n’en finissons pas de renouer avec cet héritage qu’il ne faut certes pas oublier mais qui semble de plus en plus incompréhensible tant il s’est structuré en négatif ou dans une inflation d’anti.
Face à un prolétariat que le PIC estimait déjà sourd aux thèmes révolutionnaires parce que mystifié (3) ou écrasé sur le terrain politique alors que nous étions en période de haute intensité de luttes, on serait en droit de se demander si la période n'est pas encore à celle du repli ?
Surtout quand les faibles forces, qui n’ont pour toute action qu’une maigre propagande qui ne convainc plus guère que les “révolutionnaires” eux-mêmes.
Mais est-ce que le problème du PIC et de beaucoup de “révolutionnaires” qui fantasment “l’intervention” n’a pas été de vouloir absolument se faire entendre du “prolétariat” ? Plutôt que d’être simplement des prolétaires organisés.
Vosstanie le 5/09/2018
Notes
Ce texte sera ajouté à notre sélection : Matériaux pour une émission (Conscience de Classe)
(1) Pour en savoir plus on consultera sur Archives autonomies - Jeune Taupe ! (1974-1981)
(2) De nos jours elle sera structurale ou mystique et même les deux.
(3) Mais qui ne l’est pas ? Le mystifié c’est toujours l’Autre.