Traduction modifiée 2017.
Quand les travailleurs d'une entreprise commencent à gérer la production, un des premiers obstacles auxquels ils sont confrontés touche à l’approvisionnement en matières premières. La question s’aggrave quand les matériaux sont importés. L'expérience a montré qu’ils subissent immédiatement le boycott des capitalistes, qui ne leur fournissent pas les matériaux nécessaires.
En plus de cela il existe le problème du manque d'argent pour les acquérir. Quand cela arrive, les travailleurs sont forcés de faire appel à l'État pour tenter d’obtenir des fonds. C’est la première étape vers la perte d’autonomie conquise par l'action d'occupation de l'entreprise.
En se servant de cette nécessité de l’argent, le gouvernement ou les propriétaires du capital, vont chercher à encadrer et contrôler les ouvriers en leur imposant des restrictions, des buts et des objectifs.
Un autre problème non moins difficile à résoudre est celui de la distribution des produits de ces entreprises autogérées. De très nombreuses fois elles n’arrivent pas être aussi compétitives que les entreprises capitalistes du marché.
S’il existe une situation révolutionnaire généralisée dans le pays, il est possible d'établir un système d'échange direct entre les usines en autogestion et entre l'industrie et l'agriculture.
Mais si les luttes sont isolées, cela n’est possible qu’au moyen du marché capitaliste. La pression qu'il exerce force l’usine à revêtir des formes capitalistes de gestion, pour restaurer la rentabilité et la compétitivité nécessaires.
A ce moment-là s’imposent les critères capitalistes fondés sur les indices de productivité et d’efficacité.
Le retour de ces critères aboutit par engendrer l'apathie entre les travailleurs, et donc la bureaucratisation des comités d'usine est inévitable. Quand les comités d’usine bureaucratisés ne disparaissent pas, ils deviennent les nouveaux managers du capital. C’est ce qui est arrivé au Portugal par exemple, avec diverses entreprises industrielles et agricoles qui se mirent en autogestion après la chute du régime salazariste en 1974.
En août 1975, on estimait à 308 environ le nombre d’entreprises en autogestion dans le secteur urbain. Dans le sud, région des latifundiaires, de vastes espaces ont été occupés et collectivisés par des salariés agricoles, donnant naissance aux Unités Collectives de Production (UCP).
Dans tous les cas ce fut une solution trouvée par les travailleurs pour éviter le chômage. A cette époque de nombreuses entreprises fermaient parce que déficitaires, ou parce que le patron s’enfuyait à l’étranger avec l’argent par peur du “communisme”.
Ces pratiques autogestionnaires auraient été une grande menace pour le capitalisme portugais si elles ne s’étaient pas limitées à des secteurs relativement périphériques de l'économie. Elles se sont produites principalement dans l'industrie textile, graphique, l'hôtellerie et le tourisme. Les initiatives qui ont émergé dans l’agriculture sont restées isolées du reste du pays et n'ont pas eu d'autre choix que de faire appel à l'État.
La liaison entre les différents secteurs de l’économie était fondamentale pour créer une réelle autonomie de ces entreprises dépendantes du capitalisme portugais, cela aurait permis l’expansion vers d’autres niveaux de la société et bien plus, par-delà les frontières portugaises.
Cependant, comme le capitalisme portugais se réorganisait avec le reflux du mouvement révolutionnaire, la situation de ces entreprises était devenue de plus en plus difficile. La dépendance qu’elles avaient vis-à-vis des institutions capitalistes correspondait à la fragilité du mouvement qui s’était généralisé mais pas unifié, au point de créer un réseau de relations sociales fondé sur des critères de lutte prolétariens qui pouvaient être imposés pour la réorganisation globale de la société dans une perspective socialiste.
L'expérience portugaise, parce que contemporaine, est d'une grande importance. Elle nous permet de voir que l'un des plus grands obstacles du processus révolutionnaire est aujourd'hui le marché capitaliste.
Lorsque les luttes restent isolées, les expériences autogestionnaires finissent par être encerclées de tous les côtés ; par le marché de capitaux, le crédit, de produits finis et aussi par le marché des moyens de production (machines, semences, engrais, etc.).
L’internationalisme des luttes se pose dans ce contexte comme un impératif pratique et non comme un slogan que l’on lance au moment des grandes dates commémoratives. L'internationalisation de la révolution n’est pas une nécessité à long terme, mais une question de survie immédiate.
L’autogestion comme expression de l’autonomie de la classe ouvrière face au capitalisme ne peut être vue comme une particularité de telle ou telle usine. Elle ne peut être réduite non plus à une solution provisoire pour des temps de crise.
Autogérer ne signifie pas seulement gérer d’une manière différente un capital productif afin que son produit soit distribué de manière plus équitable entre les travailleurs.
Les pratiques autogestionnaires doivent profondément modifier les relations de travail et détruire la logique de valorisation du capital.
Ce n’est pas un but à atteindre dans la société capitaliste. L'autogestion est un moyen de lutte à travers lequel les travailleurs prennent conscience qu'ils sont capables de gérer la production, de créer de nouvelles formes d'organisation du travail, et de mettre la démocratie ouvrière en pratique.
Il est nécessaire de distinguer le mouvement des travailleurs des commissions qui en surgissent mais qui se bureaucratisent à chaque fois que le cours de la lutte n’est pas ascendant. C’est la vivacité du mouvement autonome conjugué à la désagrégation des centres de pouvoir - deux aspects d’un même phénomène qui peuvent permettre la survie des pratiques autogestionnaires.
L'Autonomie ouvrière: Une pratique de classe
La lutte Autonome
Les institutions Autonomes
La dynamique du processus
Luttes revendicatives et révolution
La transformation des relations sociales dans la lutte en de nouvelles relations sociales de production.
Autogestion ouvrière et marché capitaliste.
La légalisation de la lutte
Autogestion et technologie.
Autonomie ouvrière et partis politiques
Autonomie ouvrière et partis politiques
Autonomie ouvrière et syndicats
Autonomie et socialisme
Vosstanie
propose une traduction d'un ouvrage de Lúcia
Barreto Bruno édité en 1985 au Brésil. Elle sera le support d'une
émission de la Web Radio Vosstanie et d'un débat sur la question posée.
Il va de soi que nous ne sommes pas en accord avec certains propos,
approches du livre (ambiguës sur la question de la "gestion" et "d'auto-gestion"
ou de qui a à "gérer") qui a donc 30 ans. Ils posent néanmoins en creux
de nombreuses questions, critiques (à faire), de manière très
stimulante, dans un débat complexe. Il s'agit donc d'un écrit qui nous
permettra de dégager pas mal de perspectives.
O que é Autonomia Operária - Lúcia Bruno. Editora Brasiliense - 1986 . 91p.
Voir aussi notre émission
et la publication de la brochure.