Vous reprendrez bien un peu de souffrance ?
La source de tout opportunisme*, c’est justement de partir des effets et non des causes, des parties et non du tout, des symptômes et non de la chose même.
György Lukács dans Histoire et Conscience de Classe. éd de Minuit. p.99
Le déploiement du langage "politique" [1] interpelle à deux niveaux, celui de ses intentions explicites et implicites. L’énonciation peut être littérale, stratégique mais aussi s'exprimer comme comme inconscient de classe. Les niveaux s'interpénètrent le plus souvent joyeusement.
Si les mots de la politique le plus souvent politiciennes, mais pas que, peuvent être dits parfois de “bois”, c‘est à dire relativement rigides, ils n’en conservent pas pour autant certaines de leurs caractéristiques premières, comme la polysémie par exemple ou une certaine souplesse qui leurs donnent la capacité de s'assembler avec d’autres “matériaux” en dépit de la typologie syntaxique.
Cela impose la nécessaire analyse des champs sémantiques, de la plasticité des mots, et de leurs agencements et usages par les managers du capital et leurs larbins, pour comprendre ce qu’impliquent leurs performativités, le plus souvent accompagnées de coups de matraques.
Comme l’utilisation des procédés rhétoriques par exemple, plus particulièrement de la figure de la redondance qui se trouve être, depuis quelques temps, le summum de l'analyse du “social”, et des soi-disant nouveaux symptômes de ce début de siècle.
Dont le but confine à une sorte de phénoménologie au mieux compassionnelle, et typique de ce qui caractérise la bonne “conscience” de gauche et dont les prétentions actuelles sont uniquement sociétales [2]. Mais à ce sujet peut-être serait-il nécessaire d’en dire plus sur le double langage ? Plus certainement sur cette capacité historique de la gauche du capital à dédoubler ou à travestir les “maux”.
Travail, souffrance et merde
"Travail de merde", "souffrance au travail" il faut croire que répéter des mots proches (Travail/merde) (Souffrance/travail) et interchangeables, presque identiques ! doit relever d’une forme d’auto-persuasion dont on ne sait quelle forme de vérité l’on tente de nous asséner.
Il ne s’agit pourtant que de truismes qui s'apparentent à une forme de méthode Coué de l'introspection, de l’analyse. Un type d’approche qui mène sur un étonnant chemin philosophico-cognitif par le biais de termes synonymes, et n'aboutit in fine qu’à une sorte de questionnement fermé, par le truchement d’une proposition de synthèse merdique, c’est à dire la rumination sur de fausses antinomies à résoudre. Il n’y a en effet rien d’antinomique dans souffrance et travail, boulot et de merde.
Pour s'auto-convaincre de quoi finalement ? D’évidences que nous vivons déjà au quotidien ? [3] Que le travail c’est forcément de “la merde” et de la “souffrance” ? non ! Mais que le travail “pourrait” ne pas être merdique et même doux aux pays des capitalistes, qui pourraient être bien plus sympas quand même.
On ne s'étendra pas ici sur le commerce journalistique et de ces vérités banales et circulaires, qui bondissent de journaux en fils twitter “Santé Travail”, en lien facebook “Burn-Out” pour terminer dans une chronique fait-divers du Parisien, et dont la conclusion sera une invitation à vous rapprocher d’un néo-coach le plus proche de chez vous, votre psychiatre, ou une boîte d’anti-dépresseurs.
Alors, "ça va mieux en le disant" et en le redisant paraît-il ? On y reviendra.
90% (Au minimum!) de l'activité "Travail" effectuée dans un monde capitaliste est ou inutile ou nocive, toxique (ici on pense aux collègues...) quand à la “souffrance” qu'elle génère quand on connaît l'étymologie même du mot Travail cela peut renvoyer le reste du débat dont il est question ici à une simple dissertation sur le plaisir masochiste.
Toujours est-il qu’au delà des figures de styles, des fausses antinomies, le plus choquant n'est pas l'utilisation abusive de l’ouvrage de Pierre Fontanier (sur les Tropes), mais que le cœur, même des questions ou des réponses soient toujours minimisés, évacués, ou simplement niés. Parce que c'est de cela qu’il s’agit en dernière instance.
Il ne s’agit pourtant que de truismes qui s'apparentent à une forme de méthode Coué de l'introspection, de l’analyse. Un type d’approche qui mène sur un étonnant chemin philosophico-cognitif par le biais de termes synonymes, et n'aboutit in fine qu’à une sorte de questionnement fermé, par le truchement d’une proposition de synthèse merdique, c’est à dire la rumination sur de fausses antinomies à résoudre. Il n’y a en effet rien d’antinomique dans souffrance et travail, boulot et de merde.
Pour s'auto-convaincre de quoi finalement ? D’évidences que nous vivons déjà au quotidien ? [3] Que le travail c’est forcément de “la merde” et de la “souffrance” ? non ! Mais que le travail “pourrait” ne pas être merdique et même doux aux pays des capitalistes, qui pourraient être bien plus sympas quand même.
On ne s'étendra pas ici sur le commerce journalistique et de ces vérités banales et circulaires, qui bondissent de journaux en fils twitter “Santé Travail”, en lien facebook “Burn-Out” pour terminer dans une chronique fait-divers du Parisien, et dont la conclusion sera une invitation à vous rapprocher d’un néo-coach le plus proche de chez vous, votre psychiatre, ou une boîte d’anti-dépresseurs.
Alors, "ça va mieux en le disant" et en le redisant paraît-il ? On y reviendra.
90% (Au minimum!) de l'activité "Travail" effectuée dans un monde capitaliste est ou inutile ou nocive, toxique (ici on pense aux collègues...) quand à la “souffrance” qu'elle génère quand on connaît l'étymologie même du mot Travail cela peut renvoyer le reste du débat dont il est question ici à une simple dissertation sur le plaisir masochiste.
Toujours est-il qu’au delà des figures de styles, des fausses antinomies, le plus choquant n'est pas l'utilisation abusive de l’ouvrage de Pierre Fontanier (sur les Tropes), mais que le cœur, même des questions ou des réponses soient toujours minimisés, évacués, ou simplement niés. Parce que c'est de cela qu’il s’agit en dernière instance.
Minimiser et nier
Vous “souffrez”, vous êtes harassés et surchargés ? Vous travaillez dans la perspective d’objectifs “intenables” et individualisés ou tributaires d’une chaîne infernale de coresponsabilités (ou auto-flicage) C’est peut-être que votre “boulot” est mal “réparti “? Ou que vous n’êtes simplement pas assez bien “formés” ? Ou que vous ne savez simplement pas dire NON ! Et si tous prenaient leur “part” du “mauvais” labeur ? il pourrait ainsi l’être moins, de “merde” ce travail, dans un monde décidément un peu trop “néo-libéral” qui sécrète décidément trop de “micro boulots” de chiottes, répétitifs et sans buts.
En Résumé: Il pourrait y avoir moins de souffrance dans le monde du travail (de merde) si le monde était moins “libéral” et un peu plus “de gauche de gauche”.
Car voyons ! La responsabilité incombe au “nouveau” management pas assez “humain”, trop rigide, à la “dérégulation du marché du travail” [4] et de l’Europe. etc….et du tournant de la rigueur de 1983, et de l’idéologie "ultra-libérale", et des thinks-tanks acquis au “libéralisme” et de la “trahison ” de la “fausse gauche” etc...
S’il ne s’agit pas de nier qu’il existe des “techniques” d'administration de la force de travail et des offensives idéologiques, il faut quand même souligner que l’argumentaire débouche décidément trop systématiquement sur le sempiternel crypto-keynésianisme propre à la gauche du capital, et sur le mensonge du compromis utopique capital-travail ou du “gagnant gagnant” ou de “l’effort”. Ou de celui qui se sort les “doigts du cul” pour “la boîte” (version plus droitade) la défense de sa "conscience professionnelle", ou le service de la “communauté nationale” ou du consommateur/client/usager genre défense du “service public” retournée en ce moment comme arme au service de la rigueur budgétaire et des “sacrifices” au nom de la défense/sauvetage du “modèle sociale français”. (version plus subtile du droitarisme). Sous entendu le travail pour « L'intérêt général» payé au lance pierre c'est pas du "travail" c'est un sacerdoce, une vocation, un plaisir qu'on assume pour les autres sans moufeter.
On ne poursuivra pas ici le développement du roman photo de l’époque mythico-productiviste où les boulots n’étaient pas de merde ou l’on se faisait des bonnes bouffes avec le patron.
L’argumentaire du point de vue du capital, vient ici occulter, en inversant causes et conséquences, et même nier, le fait que le travail soit soumis aux catégories immanentes au capitalisme. Même si les individus font l’histoire, ils l'a font tout de même dans des formes qu’ils ne choisissent que très rarement.
Qu’il s’agisse de diminuer les effets catastrophiques de la pénibilité ou de la précarité, on aura évidemment rien contre, mais pourquoi ne pas ou plus parler de capital à valoriser et de capitalisme ? Et donc de ne pas mettre les mots les plus justes au cœur de cette “souffrance”, et des “boulots de merde” ? A savoir ce qui est en fait indissociable des rapports de production capitalistes, mais surtout la logique qui soutient celle-ci, à savoir l’extraction de la survaleur (anciennement plus-value !). Au delà de “l’avarice” et de “l’envie” que bien souvent l’on naturalise comme pseudo catégorie économique pour justifier l'éternité de la quête du profit.
Ce qu’évite ou nie également le fait de ne pas parler de capitalisme, c’est la manière dont la survaleur et le profit sont redistribués, ou pas ! et donc on occulte ainsi ce que représente par exemple les faux-frais du capital dans la logique de la reproduction, crise etc...et donc la création des boulots improductifs, de sous-fifres et larbins divers dans l'industrie du luxe par exemple (dépenses somptuaires, parasitisme, rente).
Ce qu’imprime également la logique du capitalisme c’est la productivité, et forcément l’exploitation du travail par son intensité liée à la guerre de tous contre tous, au chaos de la production marchande. Qui va se nicher dans ce qui est le plus “rentable “ mais pas forcément le plus utile. Bien qu’une relation unisse la valeur d’échange à celle de l’usage dans le monde de la marchandise.
Car le travail est une marchandise, de cela non plus il n’est jamais question puisqu’il ne s’agit que d’humaniser un aspect du travail son coté négatif en quelque sorte, mais qui ne pourra jamais être épanouissant sans liquider ses deux aspects unitaires, c’est à dire étroitement liés puisque le travail est une marchandise (bis repetita), à savoir que son utilité même factice (mais concrète) et merdique est aussi la possibilité qui donne à un individu de survivre et de reproduire sa force de travail (ou de crever lentement.).
En résumé: L'utilité “rêvée” ou ce “mauvais côté” dont on veut se débarrasser dans les boulots (de merde) et sans souffrances et que l’on voudrait voir disparaître n’existe simplement pas. Sous le travail aliéné du monde marchand, il n’y a pas de joyeuse activité libérée ou à libérer. L’essence du travail c’est la séparation d'avec son “ produit ” et l’exploitation.
Sauf d’un point de vue de la critique du “néo-libéralisme” ou de "l'ultra-liberalisme" ! et de ses catégories et de son “projet”.
D’un point de vue de la critique de l’économie politique (anti-capitaliste) elles sont inséparables.
Sous le travail aliéné et merdique, source de souffrances, il y a aussi une ambivalente socialisation produite par le travail même de merde, et qui s’oppose à l’expulsion, à sa propre dé-valorisation et est même la condition de sa survie. C’est ce qui rend difficile toute critique radicale pratique du travail sauf à être rentier, à prendre des poses ou être un prof de fac décroissant. (Quand à faire nécessité vertu nous l'avouons très nettement c'est une attitude religieuse que nous n'aimons que très peu. On ne ressortira pas donc pas non plus ici le speech bidon de la sur-consommation)
“A bas le travail” cela ne mange pas de pain, et même si l’on peut souscrire à ce slogan il reste réducteur. Sauf à déblayer ce que propose la morale du travail comme dressage ou comme nœud essentiel de reproduction de la société capitaliste, ce qui implique une critique radicale de la marchandise.
Vouloir liquider la souffrance ou la “merdicité” du travail sans liquider le travail (et son aliénation) et le capitalisme, sous couvert de valoriser les aspects les plus sociaux ou les plus “utiles”, c’est ne pas poursuivre le chemin de la critique jusqu’au bout de sa radicalité et tutoyer au mieux le plus plat des proudhonnismes.
Mais d'où parlent donc ceux qui font profession “d’humaniser” le travail ? Que les journalistes et autres spécialistes / militants [5] se saisissent d’une marchandise presque inépuisable voilà les premiers servies dans cette juteuse affaire. Ils produisent d’ailleurs une très bonne matière première à destination d’autres officines commerciales comme les coachs, et autres psychologues de la “souffrance au travail” qui alimentent eux mêmes la chaîne de la boucle du recyclage des éléments de langages balancés à la figure des prochains chômeurs par les DRH.
Petite digression : La question de l'opposition au travail (que certains veulent libérer dans le monde marchand) par rapport à l'activité, pose le débat de l'objectivation, c'est à dire sur le devenir-objet de l'activité, que Marx concevait comme positif et que Lukács interprétait sans avoir la totalité des éléments comme synonyme de réification. La seule condition du travail aliéné ne réside t-elle que dans le type de rapports qui s'institue avec le produit objectif ? C'est à dire la séparation des moyens de production, l'aliénation du produit ? Et cette problématique ne pose t-elle pas l'activité comme une nécessité anthropologique ? La propriété collective des moyens de production semble esquisser une piste de réflexion aussi fertile qu'énorme, comme : faut il « produire » et quoi ? Sous quelles modalités ? Mais celle-ci ne semble pas fournir de pistes sérieuses sur le fait que certaines « activités » ne seront pas pénibles ou alors cette pénibilité sera « égalitairement » redistribuées pour qu'elle cesse de peser sur les mêmes. C'est la totalité des critères « l'utile » par exemple qui seront repensés. Mais cessons ici de faire bouillir les batteries de casseroles de l'histoire...
Digérer et évacuer
Les capitalistes, managers de la force de travail et autres serviteurs idéologiques de la bourgeoisie et de ses intérêts, ont aussi cette très bonne capacité à ingurgiter “les plaintes” par le biais du mouvement de fond liée à la judiciarisation (gouvernance ?) comme forme de “privatisation du droit” qui ouvre donc concomitamment un marché de la reconnaissance. [6]
Digérer et évacuer
Les capitalistes, managers de la force de travail et autres serviteurs idéologiques de la bourgeoisie et de ses intérêts, ont aussi cette très bonne capacité à ingurgiter “les plaintes” par le biais du mouvement de fond liée à la judiciarisation (gouvernance ?) comme forme de “privatisation du droit” qui ouvre donc concomitamment un marché de la reconnaissance. [6]
La reconnaissance, comme forme ultime de l’éclatement, absorption, évacuation de la conflictualité de classe déjà bien mis à mal par tout un tas de dispositifs de contrôles, chantages, ceci au delà de la pression exercée par le capital.
Que les espaces d’écoutes, d’entraides se mettent en place, ou que les individus soient aidés individuellement et pragmatiquement pour éviter des drames personnels, on n'aura rien à dire à ce sujet.
Mais cela nous force finalement à nous interroger sur le niveau du combat collectif de classe qui se trouve encore une fois dissous par d’individualisation des problèmes, et qui se trouve ramené à des logiques d'inadaptabilités personnelles ou de psychologisations des solutions, et n’interrogent pas le niveau systémique ce qui permet donc une fois de plus d’élever le degré de tolérance de ce qu’il devient de plus en plus est difficile de “refuser” [7]
Qui posera le curseur ?
Finalement l'agencement des dispositifs aussi bien pratiques qu’idéologiques peuvent aisément se résumer à : ok ok tu souffres, ton boulot est de chiotte, d’accord ….mais maintenant ferme ta gueule !
NOTES
* Nous soulignons que le mot “opportunisme” utilisé ici par György Lukács doit être compris comme comme “ réformisme”. Même si finalement il y a aussi de l’opportunisme ( comme calcul, pragmatisme) compris comme opportunité dans le réformisme.
[1] Et par certains aspects la langue sociologique dont la dimension “policière” est toujours sous-évaluée. La sociologie est-elle le pendant de l’enquête ouvrière ?
[2] On ne dit pas ici qu’il ne faut pas se préoccuper de certains sujets, mais ne pas les mettre en perspectives dans une dimension égalitaire économique et sociale et de remise en cause du monde marchand n’est pas la caractéristique de l’optique révolutionnaire.
[3] On ne parle pas ici des individus qui se sentent bien dans leur aliénation et qui le font savoir en se vautrant dans la fange, à longueurs de satisfecits sondagiers.
[4] Lu dans l’introduction du livre ! Boulots de merde !Du cireur au trader, enquête sur l’utilité et la nuisance sociales des métiers. Julien BRYGO, Olivier CYRAN éd. La Découverte. (On y trouvera rien sur la capitalisme pas même le mot ! ou peut-être l’expression de la bonne conscience radicale-opportuniste dont fait état Lukács)
[5] Le militant est souvent coupable de son confort. Il imagine bien des fois le travail comme le sien généralisé. Surtout quand il est plaisant et n’est pas confronté à des impératifs moindre de production et de productivité. Pourquoi pas...Mais les choses se corsent quand il s’agit d’aborder la question “productive” et la fin de la division des tâches.
[6] Que l’on pourrait d’ailleurs analyser plus longuement. Voir à ce sujet la littérature abondante et les conclusions problématiques auxquelles mènent la philosophie d'Axel Honneth.
[7] Dans le cadre économique actuelle, qui plus est à un moment où la bourgeoisie attaque frontalement le code du travail.