Au-delà de l’anticapitalisme tronqué de la gauche et du mouvement « Occupy Wall Street
Extrait du site Palim Psao
" La vilaine finance et le gentil capital productif
Depuis maintenant quatre ans, de Barak Obama à Nicolas Sarkozy, d’Arnaud Montebourg à Marine Le Pen, de Jean-Luc Mélenchon à François Bayrou, c’est toujours ce même discours que l’on nous tient ! A qui la faute ? Quelle est l’origine de la crise ? C’est bien sûr, nous dit-on, le vilain capital financier qui, ayant dépassé toutes les limites de la morale, est en train de faire crever le gentil capital productif (euphémisé par la douce expression d’ « économie réelle », expression très à la mode depuis quatre ans...) pourvoyeur d’emplois. La grande méchante « finance » telle une pieuvre suçant la vitalité d’une production de marchandises et de valeur considérée comme « naturelle » et transhistorique, serait à l'origine de tout. Aussi, pour peu que l’on s’oppose à ce « capitalisme de casino », on entend affirmer que « Oui, un autre capitalisme c’est possible » (comme le titrait en novembre 2011 le magazine « Marianne »), revenons à « l'économie réelle ». De Paul Jorion à Frédéric Lordon, de Stéphane Hessel à Bernard Stiegler, mais également dans n’importe quelle sage chenille processionnaire syndicale de la CGT, de la CFDT, des altermondialistes, etc., on crie ainsi toujours haro contre le « capitalisme de casino », « l’économie financière », les bourses, les grands méchants spéculateurs, les vilaines mégabanques, ces ignobles agences de notation, ces pourritures de titrisation, ces traders immoraux, etc. Et d’une seule voix, ce discours dit : Cette crise n’est pas la nôtre ! Ce n’est pas à nous de la payer ! Tout cela n'est le fait d'excès de quelques-uns. Débarrassons nous de la très vilaine « oligarchie financière » qui aurait noyauté le système politique et qui tapie dans l’ombre, tire les ficelles pour son compte car sa politique n’est qu’une « stratégie du choc » (Naomie Klein), une offensive du capital qui serait en réalité en parfaite santé. Car en vérité ces gros menteurs ont quelque part un trésor de valeur caché qu’il faudrait exproprier et redistribuer à tous les pauvres. La valeur a simplement été mal redistribuée, nous n'avons ici qu'une crise capitaliste de sous-consommation et de surproduction. Allez hop, un bon coup de rabot fiscal contre les riches qui s’en mettent plein les poches, des Etats revigorés qui doivent faire des politiques keynésiennes de relance pour construire des infrastructures et pousser les gens à consommer, la création par les Etats et les banques de capital-argent sans plus aucune substance réelle (subventions, endettement, crédit d’Etat, bulles financières), et la vie capitaliste « normale » repartira comme en l’an quarante ! On aura enfin nos salaires qui augmentent, on pourra enfin consommer « convenablement », on sera enfin à nouveau en poste dans la tranchée du travail et de la compétitivité, la production de valeur et de marchandises toujours naturalisée sera enfin au bénéfice de « l'intérêt général » et non plus pour « l'intérêt particulier » de quelques-uns, etc. Enfin la brave et saine « économie réelle » qui marche mal du seul fait des excès d'une petite oligarchie d'incapables parasites, aura retrouvé sa place. C’est ainsi, raconte cette légende urbaine contemporaine, que la croissance économique repartira comme jamais, que la formidable vie capitaliste enfin assainie de ses inutiles « parasites » fonctionnera pour l’intérêt de tous (et non de quelques-uns), que tout le monde aura enfin plein de petits emplois de fourmis et de rouages et que tout le monde pourra à nouveau retourner à sa vie d’honnête et sage travailleur."