lundi 20 septembre 2010

A lire : INSURRECTION 1977 de PAOLO POZZI

Dans un avertissement introductif, l’auteur déclare : “Il y avait alors un mouvement fait de femmes et d’hommes qui pensaient changer le monde. De manière radicale. Ces femmes et ces hommes pensaient que le changer pouvait aussi être marrant. Et même, ou c’était marrant ou ça n’en valait pas la peine. Tout et tout de suite (…) Je me revois jeune et je pense : on nous l’a fait payer cher, mais qu’est-ce-qu’on s’est marrés.”
À une époque où, pour rencontrer d’autres gens en dehors de son cercle immédiat, on se fie toujours plus aux écrans, il devient difficile d’imaginer, pour ceux qui ne l’ont pas vécu, la richesse passionnelle, émotive, imaginaire et réflexive du mouvement de 1977. Tel que le restitue simplement et magnifiquement Pozzi, il ressemblait moins à l’élan d’un “tous ensemble” vers un objectif politique déterminé, qu’à l’attraction universelle de corps terrestres, forcément terrestres, lourds de leurs origines, de leurs accents, de leurs catégories sociales, et qui pourtant s’attiraient, se repoussaient, s’aggloméraient, formaient des galaxies, se plaçaient sur des orbites communes pour quelques jours ou quelques mois longs comme des années lumières, et parfois, entraient en fusion.



La force qui faisait bouger ces individus, c’était d’abord des mots. Des flots de mots. Torrents et tourbillons des polémiques d’assemblées, fleuve amazonien des discours de tant de leaders, paresseux ruisselets des échanges entre camarades au bout des nuits militantes. Les dialogues d’Insurrection, qui occupent la plus grande partie du livre restituent l’esprit d’un temps, où, à côté de la colère contre l’Etat et les patrons, prévalait une allégresse aux mille facettes : de la joie tranquille du coup bien réussi (le bonheur après la tension d’un braquage exemplaire, “una rapina da manuale”) à la liesse carnavalesque des autoréductions et de certains cortèges en passant par un goût de l’ironie et de la dérision qui n’épargne personne, surtout pas les plus proches.

Editions Nautilus ISBN: 978-2-84603-029-8